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Wimbledon 2025 – Demi-finales messieurs : des demies 4 étoiles

Focus sur le dernier carré du simple messieurs de ce troisième Grand Chelem de la saison.

Jannik Sinner & Novak Djokovic / Demi-finales Roland-Garros 2025©Corinne Dubreuil / FFT
 - Romain Vinot

Le double tenant du titre, le meilleur joueur lors des tournois de préparation, le n°1 mondial et le septuple vainqueur de l’épreuve : difficile d’exiger plus beau casting au moment d’aborder les demi-finales d’une édition 2025 qui n’a pourtant pas été avare en surprises lors de la première semaine de compétition.

Taylor Fritz (n°5) – Carlos Alcaraz (n°2)

💪 Le contexte / la forme du moment

Il a vaincu le signe indien mais sait pertinemment que le plus dur reste à venir. Après deux échecs cruels face à Rafael Nadal (2022) et Lorenzo Musetti (2024), Taylor Fritz est enfin parvenu à rallier le dernier carré au All England Club. "Après avoir joué et perdu deux quarts de finale ici en cinq sets, je ne pense pas que j’aurais supporté une nouvelle défaite, a-t-il expliqué sur le court à l’issue de sa dernière victoire face à Karen Khachanov. Je suis très heureux d’avoir enfin l’opportunité de jouer les demies."

Une grande première sur le gazon londonien mais pas une découverte en Grand Chelem pour l’Américain, finaliste de l’US Open 2024 et en constante progression ces dernières années. Passé au travers de sa saison sur terre, celui qui sera de nouveau 4e au classement mondial lundi prochain s’est pleinement remobilisé pour la courte période verdoyante. Titré à Stuttgart puis à Eastbourne, il comptabilise déjà 13 victoires sur cette surface, un record, circuits ATP et WTA confondus. En confiance et sûr de sa force au moment de poser ses valises à SW19, il s’est toutefois fait une grosse frayeur lors de son entrée en lice face au Français Giovanni Mpetshi Perricard, qui a mené deux manches à rien puis 5-1 dans le tie-break de la quatrième manche. Un succès inaugural sur deux jours avant un nouveau match à rallonge face au talentueux Gabriel Diallo… Durant cette quinzaine, la résistance physique et les nerfs de Fritz ont été mis à rude épreuve mais ce n’est rien à côté de ce qui l’attend ce vendredi.

Car se dresse désormais face à lui le nouveau maître des lieux, actuellement sur une série de 19 victoires consécutives à Londres et qui n’a perdu qu’une seule fois (en finale de l’ATP 500 de Barcelone contre Holger Rune) lors de ses 28 dernières sorties. Epoustouflant et champion à trois reprises sur ocre (Monte-Carlo, Rome et bien sûr, Roland-Garros), Carlos Alcaraz a lui aussi réalisé une transition parfaite sur herbe en récupérant sa couronne au Queen’s. Déjà vainqueur de cinq Majeurs au cours de sa carrière, il vise désormais une marque détenue par Björn Borg et jamais égalée jusqu’ici : réaliser le doublé Roland-Garros – Wimbledon lors de deux saisons consécutives.  

Bousculé par le néo-retraité Fabio Fognini au premier tour, il est depuis nettement monté en puissance, au point d’écœurer Cameron Norrie en quarts par sa vivacité, sa puissance et ses frappes venues d’ailleurs. "C’est le grand favori, c’est certain. Son niveau était irréel aujourd’hui", a confié le Britannique face à la presse. Le sourire vissé jusqu’aux oreilles sur le rectangle vert et en dehors, le Murcien fait fi de la pression et des records et profite simplement de son incroyable période dorée. "Je suis très heureux de pouvoir jouer une nouvelle demi-finale à Wimbledon, a-t-il sobrement expliqué. C’est quelque chose de très spécial et que je visais au début de la quinzaine". Objectif atteint donc ? Nul doute que l’actuel meilleur joueur du monde ne voudra pas s’arrêter en si bon chemin…

🏆 Leur tournoi 2025

Comme évoqué précédemment, le chemin des deux hommes jusqu’au dernier carré n’a pas été de tout repos. A la différence près que Taylor Fritz n’a pas encore connu les joies d’une victoire en trois sets, même s’il a profité de l’abandon en milieu de deuxième manche de Jordan Thompson en huitièmes de finale. Un fait de match qui a permis au n°1 américain de quelque peu s’économiser, lui qui a passé 13h00 sur les courts en 10 jours.

Très efficace sur sa mise en jeu depuis le début du tournoi (82% de points gagnés sur sa première), il aura nécessairement besoin de cette arme et de sa prise de balle précoce pour faire jeu égal avec Carlos Alcaraz, pas beaucoup plus économe en énergie lors de ses cinq premières rencontres (13h40). Un taux horaires plombé il est vrai par son premier tour marathon (4h37) et qui ne l’a pas empêché de virevolter sur le Centre Court depuis. Particulièrement solide sur son engagement selon Norrie, l’Espagnol a sauvé 78% des opportunités de break de ses adversaires. Face à son futur opposant, son plan de jeu sera clair : dicter le jeu et mettre un maximum de pression au retour, comme d’habitude.  

Le parcours de Taylor Fritz

  • Premier tour : victoire face à Giovanni Mpetshi Perricard (6/7(6), 6/7(8), 6/4, 7/6(6), 6/4 en 3h25)
  • Deuxième tour : victoire face à Gabriel Diallo (3/6, 6/3, 7/6(0), 4/6, 6/3 en 3h06)
  • Troisième tour : victoire face à Alejandro Davidovich Fokina (6/4, 6/3, 6/7(5), 6/1 en 3h12)
  • Huitièmes de finale : victoire face à Jordan Thompson (6/1, 3-0 ab, en 41 minutes)
  • Quarts de finale : victoire face à Karen Khachanov (6/3, 6/4, 1/6, 7/6(4) en 2h36)

Le parcours de Carlos Alcaraz

  • Premier tour : victoire face à Fabio Fognini (7/5, 6/7(5), 7/5, 2/6, 6/1 en 4h37)
  • Deuxième tour : victoire face à Oliver Tarvet (6/1, 6/4, 6/4 en 2h16)
  • Troisième tour : victoire face à Jan-Lennard Struff (6/1, 3/6, 6/3, 6/4 en 2h25)
  • Huitièmes de finale : victoire face à Andrey Rublev (6/7(5), 6/3, 6/4, 6/4 en 2h43)
  • Quarts de finale : victoire face à Cameron Norrie (6/2, 6/3, 6/3 en 1h39)

🆚 Face-à-face

Si les deux hommes ne se sont pas joués en 2025, "Carlitos" a remporté leurs deux premières confrontations, en quarts de finale du Masters 1000 de Miami en 2023 et lors de la Laver Cup en 2024. Difficile toutefois de tirer de réels enseignements de ces premiers duels tant le jeu, le caractère et le statut des demi-finalistes ont évolué depuis.

🎤 Entendu en conf’

Taylor Fritz : "Je ne suis content qu’on ne se joue pas à Roland-Garros, sur terre battue parce que ça aurait été un véritable cauchemar (sourires). Je pense que le gazon peut rééquilibrer les forces. J’ai confiance en mon jeu et je sais que si je joue comme lors des deux premiers sets de mon quart de finale, il n’y a pas grande chose que l’adversaire puisse faire."

Carlos Alcaraz : "La saison de Taylor sur gazon a été très fructueuse jusqu’à présent. Il joue très bien et son jeu s’adapte parfaitement à la surface. Il frappe à plat, il est agressif et il a un gros service. Je vais essayer de rester concentré, de jouer mon meilleur tennis et de faire encore mieux qu’en quarts. Si c’est le cas, j’aurai mes chances, c’est sûr. Je vais tenter d’être plus agressif que lui, de ne pas le laisser dominer le match. Je suis impatient parce que je pense que je dois élever mon niveau si je veux le batte. On verra bien !"

Jannik Sinner (n°1) – Novak Djokovic (n°6)

💪 Le contexte / la forme du moment

Attendue depuis le 26 juin – date du tirage au sort de ce cru 2025 – la revanche de la demi-finale de Roland-Garros aura bien lieu sur le Centre Court du All England Club. Et plus encore que sur la terre battue du Philippe-Chatrier, la dimension physique de ce sommet sera primordiale, et ce pour les deux hommes.

Favori ou presque de chaque tournoi auquel il prend part depuis qu’il occupe le trône de la discipline, Jannik Sinner est monté dans un ascenseur émotionnel au cours de cette quinzaine londonienne. Il a d’abord côtoyé les étages supérieurs, en éparpillant façon puzzle ses trois premiers adversaires sans perdre une seule fois sa mise en jeu. Mais une panne de courant, ou plutôt une décharge électrique au niveau du coude droit à la suite d’une mauvaise chute, l’a fait brutalement redescendre de sa tour d’ivoire, au point de se retrouver à une manche d’une élimination inconcevable jusqu’alors. Le destin en a décidé autrement et c’est finalement Grigor Dimitrov, affublé d’un costume de bourreau pourtant parfaitement cintré, qui a prématurément quitté la scène, stoppé net dans son superbe élan par une blessure au pectoral.

Miraculé, le n°1 mondial allait-il pouvoir évoluer à 100% de ses capacités face au canonnier Ben Shelton ? Sur toutes les lèvres durant 48h, cette question a obtenu une réponse aussi froide que cinglante, en seulement 2h19 d’un quart de finale à sens unique au cours duquel le triple vainqueur en Grand Chelem n’a jamais été mis en danger (2/2 balles de break sauvées). De quoi reprendre de la hauteur avant de se mesurer à la légende du jeu, qui par le passé l’a privé d’un dernier carré (en 2022) puis d’une finale (en 2023) ici-même.

Cette blessure, ou du moins cette gêne, aurait pu déséquilibrer les débats face au septuple vainqueur de l’épreuve, qui disputera ce vendredi sa 14e demi-finale à Wimbledon (record), la 52e en Majeur (record, bis). D’autant que sans être impérial, celui qui espère toujours décrocher un 25e titre en Grand Chelem dans son deuxième jardin – il n’est qu’à une unité du record masculin de Roger Federer mais compte 10 Open d’Australie à son palmarès – a impressionné par sa finesse, ses courses latérales et vers l’avant et sa maîtrise générale des événements, alors que l’enfer lui était promis lors de la révélation du tableau. Son pédigrée et la mise en application de sa science du gazon à l’occasion de ses cinq premières sorties auraient donc dû légitimement lui octroyer l’étiquette de favori.

Seulement, au-delà du fait que son futur opposant a repris sa marche en avant comme si de rien n’était, le "Djoker" s’est lui aussi fait très peur en perdant ses appuis sur sa première balle de match face à Flavio Cobolli. Si les applaudissements ont rapidement succédé à la stupeur dans les travées du Centre Court, le rictus de douleur et ses mains immédiatement portées vers ses adducteurs laissaient penser que cette malheureuse glissade aurait des conséquences. "C’est une très mauvaise chute, mais ce sont des choses qui arrivent sur herbe. J’en ai connu d’autres durant ma carrière sur cette surface, a toutefois rassuré le principal intéressé à l’issue de son quart de finale. Evidemment, mon corps n’est plus le même que par le passé donc je suppose que j’en ressentirai les effets demain, on verra. J’espère que ça n’aura pas de conséquences et que j’en serai remis d’ici 24 à 48 heures pour pouvoir jouer à mon meilleur niveau et sans douleur vendredi."

Alors que la tactique, la stratégie, la technique et le mental seront prépondérants cet après-midi, il faut espérer que les pépins physiques récemment ressentis ne viendront pas gâcher le spectacle, annoncé grandiose.

🏆 Leur tournoi 2025

Toujours du point de vue de l’aspect physique, une autre donnée, chiffrée celle-là, pourrait avoir son importance : Jannik Sinner a passé 3h30 de moins sur les courts que Novak Djokovic, soit l’équivalent d’un gros match plutôt serré (9h50 contre 13h23).

Concernant le jeu, mise à part sa frayeur en huitièmes de finale, l’Italien réalise un parcours époustouflant lors de cette 138e édition de Wimbledon. Ultra dominateur depuis sa ligne de fond de court, il est capable de faire la différence aussi bien en deux coups de raquettes que lors des longs rallyes. Doté d’un service chirurgical (42 aces, 82% de points gagnés derrière sa première), il n’a été breaké que trois fois et ce uniquement par Grigor Dimitrov. Auteur de 164 coups gagnants pour 97 fautes directes, il n’a rien perdu de son côté clinique depuis qu’il évolue sur herbe.

Si ses tableaux de scores peuvent laisser penser que le Serbe a connu un itinéraire plus poussif, ils ne reflètent pas sa domination globale et son emprise sur ses précédents vis-à-vis. Excepté son trou d’air dans la première manche en huitièmes contre Alex De Minaur, il a toujours été au contact, ne perdant – bizarrement d’ailleurs au vu de sa réputation dans ce domaine – que deux autres sets au tie-break (face à Alexandre Müller et Flavio Cobolli). Receveur hors-pair, il a également marqué les esprits par son excellent engagement (68 aces, 78% de points gagnés derrière sa première), ses prises d’initiatives (233 coups gagnants pour 136 fautes directes) et ses fructueuses montées au filet (124/169 soit 73% de réussite).

Le parcours de Jannik Sinner :

  • Premier tour : victoire face à Luca Nardi (6/4, 6/3, 6/0 en 1h48)
  • Deuxième tour : victoire face à Aleksandar Vukic (6/1, 6/1, 6/3 en 1h40)
  • Troisième tour : victoire face à Pedro Martinez (6/1, 6/3, 6/1 en 1h55)
  • Huitièmes de finale : victoire face à Grigor Dimitrov (3/6, 5/7, 2-2, ab en 2h08)
  • Quarts de finale : victoire face à Ben Shelton (7/6(2), 6/4, 6/4 en 2h19)

Le parcours de Novak Djokovic :

  • Premier tour : victoire face à Alexandre Müller (6/1, 6/7(7), 6/2, 6/2 en 3h19)
  • Deuxième tour : victoire face à Dan Evans (6/3, 6/2, 6/0 en 1h47)
  • Troisième tour : victoire face à Miomir Kecmanovic (6/3, 6/0, 6/4 en 1h48)
  • Huitièmes de finale : victoire face à Alex De Minaur (1/6, 6/4, 6/4, 6/4 en 3h18)
  • Quarts de finale : victoire face à Flavio Cobolli (6/7(6), 6/2, 7/5, 6/4 en 3h11)

🆚 Face-à-face

C’est sans doute ce qui fera le plus parler dans les allées de SW19 ce vendredi. En quatre ans, les deux hommes se sont affrontés à 9 reprises et Sinner mène désormais ce face-à-face d’une courte tête depuis leur magnifique empoignade de la Porte d’Auteuil (5-4). Logiquement dominé par le maître absolu de la discipline lors de ses premières années sur le circuit, le protégé de Simone Vagnozzi et Darren Cahill a eu un déclic lors de la phase de poule des Finales ATP de Turin 2023, sa future domination dans ce duel coïncidant bien sûr avec sa prise de pouvoir sur le circuit.

Seulement, et c’est sans doute le plus intéressant, "Djoko" reste sur deux victoires contre son jeune rival à Wimbledon. La première, obtenue en quarts de l’édition 2022 après avoir été mené deux manches à rien et la deuxième, sans appel, dans le dernier carré en 2023 (6/3, 6/4, 7/6(4)). Donnera-t-il les clés du temple du tennis à l’Italien comme il a été contraint de le faire sur la Rod Laver Arena en 2024 ? Réponse dans quelques heures.

Jannik Sinner & Novak Djokovic - Wimbledon 2023©Corinne Dubreuil / FFT

🎤 Entendu en conf’

Jannik Sinner : "On se connait bien avec Novak parce que nous avons joué plusieurs fois ensemble. On sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Je n’ai jamais gagné contre lui à Wimbledon donc ce sera un challenge très difficile […] Depuis 2023, beaucoup de choses ont changé pour moi. Je me sens plus confiant avant les matchs mais en même temps, je dois continuer de travailler et me maintenir sous pression. Mais oui, je suis un joueur différent, une personne différente. Et j’espère aussi être plus mature."

Novak Djokovic : "J’ai perdu en trois sets contre Jannik en demi-finales à Roland-Garros. Je pense que j’ai joué un match solide, j’aurais pu faire encore mieux mais il a été meilleur dans les moments importants. J’ai une nouvelle opportunité désormais. Pour moi, être à ce stade de la compétition en Majeur et affronter le meilleur joueur du monde actuellement, c’est ce qui compte le plus. Avec Carlos, ils dominent le tennis masculin aujourd’hui et je ne pourrais pas espérer un plus gros challenge. J’ai hâte d’y être et je vais tout faire pour être prêt et donner le meilleur de moi-même sur le court."