Leur rivalité les fait progresser, les victoires comme les défaites leur confèrent une irrépressible envie de retourner au combat. En évoluant à un niveau inatteignable pour tous leurs poursuivants, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner ont fait entrer la discipline dans l’ère du Big 2. Et il était écrit depuis longtemps que cet exceptionnel exercice 2025 se conclurait par un dernier "Sinalcaraz", remporté d’une main de maître par le désormais dauphin du roi.
Finales ATP : le maître, c’est Sinner
Dépossédé de sa couronne new-yorkaise et de son trône par Carlos Alcaraz, Jannik Sinner a conservé son statut de maître aux Finales ATP de Turin.

Sinner, l’indoor est son royaume
Tenant du titre et invaincu sur dur intérieur depuis la finale de l’édition 2023 du Masters, le n°2 mondial a une nouvelle fois écrasé la concurrence à l’Inalpi Arena, pour le plus grand bonheur de spectateurs naturellement acquis à sa cause. Vainqueur de ses quatre premières rencontres sans perdre le moindre set, il s’est retrouvé à un petit point de lâcher une manche face à son éternel rival ce dimanche en finale. Mais un deuxième service propulsé à 188km/h lui a permis d’écarter la seule balle de break de cet acte initial (une balle de set en l’occurrence, à 5-6, 40-A) afin de se donner le droit de disputer un tie-break puis de le remporter, pour prendre les commandes. Niveau sang-froid, Sinner se pose là.
Des lobs millimétrés, des amorties léchées, des passings surpuissants, des coups droits et des revers lasers : les ovnis ont continué de faire étalage de leurs qualités durant un deuxième set plus décousu que le premier. Loin d’abdiquer malgré une gêne à la cuisse et la pose d’un strap en plein match, le Murcien est en effet immédiatement reparti à l’assaut afin de devenir le premier joueur de la semaine à prendre l’engagement de l’Italien au moment où on l’attendait le moins. Une rébellion qui, un temps, a laissé entrevoir la possibilité d’un énième marathon mémorable entre les deux invincibles, qui se sont affrontés au total à six reprises au cours de la saison (à chaque fois en finale) et ont glané pas moins de 14 titres dont les quatre levées du Grand Chelem.
Mais cet espoir n’a été que de courte durée, la faute à la solidité, la précision et la vélocité du natif de San Candido, de retour aux affaires grâce à une amortie parfaite pour débreaker (3-3) avant de se montrer de nouveau impérial sur sa mise en jeu jusqu’au coup de grâce, asséné alors que son vis-à-vis servait pour s’embarquer dans un deuxième jeu décisif (7/6(4), 7/5 en 2h15). "Ça a été un match très serré, j’ai sauvé une balle de set dans la première manche et je suis vraiment heureux de la façon dont j’ai géré la situation, a expliqué le champion à l’issue de la partie. Quand on joue contre Carlos, il faut être au top de sa forme. J’ai très bien servi mais il est l’un des meilleurs relanceurs du circuit, avec Novak. Mais encore une fois, je suis très heureux, cela représente énormément pour moi de terminer la saison comme ça."
Ce 58e et dernier succès de l’année lui permet de réaliser un formidable doublé sur ses terres et de soulever un sixième trophée en 2025, le troisième de rang après Vienne et le Rolex Paris Masters. Également sacré à l’Open d’Australie et à Wimbledon, Sinner n’a perdu que six rencontres au total, dont quatre face à Alcaraz… "Cette année, j’ai disputé quatre finales de Grand Chelem et j’ai gagné ici en étant sur une très belle série, c’est incroyable, a poursuivi le vainqueur. Mais surtout, j’ai le sentiment d’être un meilleur joueur que l’an passé et c’est le plus important. Tout cela fait partie d’un processus. C’est une superbe saison qui s’achève avec de nombreuses victoires et peu de défaites. Après chaque revers, j’ai essayé de tirer le positif et de m’améliorer. Et j’ai l’impression que ça a marché."
Une domination pérenne ?
Au-delà de leur exceptionnelle palette tennistique, de leur maîtrise et de leur goût très prononcé pour les prises de risques, c’est bien l’état d’esprit de ce duo qui subjugue tous les observateurs. Lorsqu’il a cédé son trône à l’issue de sa défaite en finale de l’US Open, Jannik Sinner aurait pu accuser le coup et lâcher du lest. Il a bien évidemment fait tout l'inverse, clamant qu’il allait progresser dans tous les domaines pour continuer de rivaliser. "Ces secteurs ont évolué de manière positive, en particulier mon service. Ils sont plus imprévisibles depuis le fond de court, ça fonctionne mieux. Mais je pense aussi que j’ai encore des marges de progression, je peux encore mieux jouer à certains moments. Evidemment, il faut rendre hommage à Carlos, c’est un joueur incroyable, qui a énormément de talent. Il faut jouer chaque point parfaitement contre lui et constamment repousser ses limites."
Il ne faut pas oublier que Carlos Alcaraz a fait de même à la suite de son échec en finale de Wimbledon, reprenant son irrésistible marche en avant pour boucler un exercice étourdissant de réussite, marqué par huit titres et 71 victoires pour seulement 9 défaites. Les deux hommes ont partagé les plus beaux lauriers plutôt équitablement et ne comptent pas s’arrêter là. "Je suis vraiment satisfait du niveau atteint aujourd’hui, a lancé le n°1 mondial, acclamé par la foule au moment de prononcer son discours. Jannik n’a pas perdu un seul match en indoor depuis deux ans, ça montre à quel point c’est un grand joueur. Il travaille très dur avec toute son équipe et il revient encore plus fort après chaque défaite bien qu’il n’y en ait pas beaucoup. C’est un trophée bien mérité ! […] Je tiens à dire que c’est une grande année pour toi. Mais il est temps de te reposer pour être prêt l’année prochaine parce que personnellement, je le serai !"
Très égoïstement – ou plutôt sans prendre en compte le moral des autres joueurs du circuit –, on a déjà hâte de les retrouver en 2026.
