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Wimbledon 2025 : la fulgurante ascension de Gabriel Diallo

Le Canadien a réussi ses grands débuts au All England Club pour se donner le droit d’affronter Taylor Fritz au deuxième tour.

Gabriel Diallo / Premier tour Wimbledon 2025©Franck Molter / DPA / DPA Picture-Alliance via AFP
 - Reem Abulleil

Il dispute son tout premier tableau principal à Wimbledon et s’est récemment perdu en cherchant les courts d’entraînement à Aorangi Park. Pourtant, à en juger par sa victoire sans appel au premier tour lundi, rien ne laissait penser que Gabriel Diallo évoluait en terrain inconnu.

Le Canadien a parfaitement lancé sa campagne londonienne en s’imposant 6/1, 6/2, 6/4 face à l’Allemand Daniel Altmaier. De quoi s’offrir un très attendu deuxième tour face à l’Américain Taylor Fritz, tête de série n°5.

Il y a un an à la même époque, Diallo pointait à la 166e place mondiale et venait d’être éliminé au deuxième tour des qualifications. Cette année, il a posé ses valises avec un tout autre statut : classé 40e mondial, il vient de décrocher son tout premier titre ATP, remporté sur le gazon de ’s-Hertogenbosch.

Après s’être contenté des terrains de Roehampton (réservés aux qualifs) en 2024, Diallo a donc foulé pour la première fois les pelouses du All England Club… Un séjour d’ores et déjà prolongé par une entrée en lice très convaincante. "J’ai réussi à produire du très bon tennis ces trois dernières semaines, donc j’espère conserver cette dynamique ici, confie le joueur, dont le service puissant et les lourdes frappes semblent parfaitement s’adapter au gazon. C’est la première fois que je viens ici, c’est un moment un peu surréaliste. On ressent tout le prestige de ce tournoi. On se doit d’être reconnaissant de vivre ce genre de moments et tout donner sur le court."

La voie universitaire

Tout cela reste encore relativement nouveau pour Gabriel Diallo.

Originaire de Montréal, il a étudié la finance et joué en NCAA à l’université du Kentucky, où il a contribué à mener l’équipe en finale nationale pour la première fois de son histoire, avant de passer professionnel fin 2022. Il le dit lui-même : il n’était pas un espoir très coté chez les juniors, et pour lui, intégrer l’université s’est imposé comme une évidence. C’est à ce moment-là, sous la houlette de l’entraîneur Cedric Kauffmann, qu’il a véritablement façonné son jeu… et son caractère.

"J’ai surtout gagné en maturité, notamment en apprenant à concilier études et sport, explique-t-il. Ça m’a aussi permis de développer ma sociabilité, ce qui est souvent sous-estimé. Beaucoup de jeunes joueurs suivent des cours à distance très tôt. À 14 ou 15 ans, on ne va plus en classe et on voit toujours les mêmes visages sur le circuit. Revenir à un cadre scolaire, rencontrer d’autres personnes tout en absorbant la pression académique et sportive, ça m’a appris à mieux gérer toutes les situations en général. Je pense aussi que ça a structuré mon jeu, qui était un peu trop flamboyant en arrivant à la fac. Je pouvais sortir des coups brillants… et d’autres beaucoup moins ! Mon coach a fait du très bon travail en me donnant de solides bases. Le reste a suivi progressivement."

Diallo a disputé son tout premier Grand Chelem lors de l’édition 2024 de Roland-Garros avant de glaner sa première victoire en tableau principal à l’US Open, atteignant même le troisième tour après être sorti des qualifications. À New York, il a battu le Français Arthur Fils (alors 24e mondial), avant de tomber en quatre sets serrés contre Tommy Paul (14e mondial). Ce parcours a attiré l’attention, notamment celle de la légende NBA Steve Nash, qui l’a suivi sur Instagram, ou encore de l’humoriste canadien Sammy Sugar, présent dans les tribunes à New York.

En octobre, il a intégré le top 100 pour la première fois de sa carrière. Depuis, ce géant de 2m03 ne cesse de confirmer ses très bonnes dispositions, à l’image de son incroyable performance au Masters 1000 de Madrid – il a atteint les quarts de finale en tant que lucky loser – ou encore de son récent sacre à ’s-Hertogenbosch.

Pour lui, son plus grand progrès depuis qu’il est devenu professionnel n’est autre que sa capacité à bien gérer l’enchaînement des matchs.

"À l'université, chaque rencontre compte énormément car on ne joue que deux fois par semaine. Une défaite peut faire chuter ton classement individuel mais également celui de ton équipe, raconte-t-il. Du coup, il y a beaucoup d’attentes et une pression constante, quel que soit l’adversaire. Dans un premier temps, j’ai voulu garder cet état d’esprit en arrivant sur le circuit pro. Mais dans les faits, on termine souvent une semaine par une défaite. J’ai donc appris à relativiser, à ne pas trop mettre l’accent sur un match en particulier pour voir les choses dans leur ensemble. J’essaie de gérer chaque match de la même manière, comme à l’entraînement. Ça a été une vraie transition pour moi."

Compétiteur décontracté

Sur le court, Diallo affiche un visage concentré, voire impassible. Mais en dehors, il se montre plus léger, il ne prend pas les choses trop au sérieux. Sur un coup de tête, il a récemment décoloré ses cheveux. Et même s’il reconnaît ne pas être complètement convaincu par le résultat, il aime "s’amuser un peu" avec son look de temps en temps.

Né à Montréal, Diallo est le fils d’un père guinéen et d’une mère ukrainienne. Le couple s’est rencontré à Moscou à la fin des années 1970 avant de s’installer au Canada dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique. Ancienne joueuse de handball professionnelle, sa mère lui a transmis des traits de sa personnalité qu’il équilibre avec ceux de son père. Au quotidien, Gabriel porte une chaîne avec un anneau, un bijou transmis de génération en génération du côté maternel et qu’il espère donner un jour à ses propres enfants.

Gabriel Diallo / Deuxième tour Roland-Garros 2025©Clément Mahoudeau / FFT

"Je pense que je tiens mon caractère et ma compétitivité de ma mère. Elle a fait du sport à très haut niveau et c’est une personne très passionnée, confie-t-il. Mais en dehors du sport, elle a beaucoup de caractère et c’est probablement là que mon père est intervenu, il a apporté un peu d’équilibre. Mais c’est certain que j’ai pris un peu des deux. Quand j’étais plus jeune, je me sentais parfois un peu perdu ou confus, je n’étais ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre. Mais j’ai appris à embrasser pleinement mes origines et mon héritage. Je suis fier de mes racines ukrainiennes, guinéennes et de représenter le drapeau canadien."

"Être exigeant avec soi-même"

Grand cinéphile, Diallo cite Requiem for a Dream parmi ses films préférés et explique s’inspirer du documentaire The Last Dance consacré à Michael Jordan.

"C’est un incroyable compétiteur, il donne tout chaque jour, à chaque match et à chaque entraînement, explique Diallo à propos de la légende NBA. C’est plutôt cool et surtout très inspirant. J’essaie d’avoir le même état d’esprit, même si ce n’est pas toujours évident. La vraie différence, c’est que dans notre sport, on est seul sur le court. Mais chaque jour, quelle que soit ta forme, tu dois tout donner. Il y a des gens qui rêveraient d’être à ta place et toi, tu as des objectifs à atteindre. Il faut donc se montrer exigeant avec soi-même."

Lundi face à Altmaier, Diallo s’est montré "vraiment solide" et à la hauteur de l’événement. "J’étais enthousiaste et survolté à l’idée de disputer mon premier Wimbledon. J’ai essayé de démarrer fort et de ne pas lui laisser d’espace. Et j’ai eu la chance que tout se passe bien."

Son prochain adversaire, Taylor Fritz, est bien conscient du défi qui l’attend. "On dit parfois de lui que c’est un ‘robot’, dans le bon sens du terme. C’est un ‘robot’ mais il est très bon, a expliqué l’Américain en référence à l’excellent service du Canadien, parfois qualifié de servebot. Au-delà de son service monstrueux, il peut aussi très bien jouer en fond de court. Je me suis entraîné avec lui, il a un jeu très complet et il peut à peu près tout faire sur le court."

Gabriel Diallo, 3e tour, qualifications, Roland-Garros 2024©Julien Crosnier / FFT