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Sinner, une victoire à la Djoko

Auteur d'un match exceptionnel, le n°1 mondial a fait tomber la légende Novak Djokovic dans le dernier carré.

Jannik Sinner & Novak Djokovic / Demi-finales, Roland-Garros 2025©Corinne Dubreuil / FFT
 - Hugo Rondet

Au-dessus des étoiles. Impressionnant ce vendredi soir sur le court Philippe-Chatrier, Jannik Sinner a dominé Novak Djokovic en trois manches (6/4, 7/5, 7/6(3) en 3h16) pour rejoindre Carlos Alcaraz en finale de Roland-Garros. L'Italien, qui brigue un quatrième titre majeur en carrière - le premier Porte d'Auteuil - n'a jamais laissé respirer son adversaire, à court de solutions malgré son énorme résistance. Pour le Serbe, chaudement ovationné par le public à sa sortie, la quête d'un 25e Grand Chelem historique est repoussée.

Le circuit a beau compter des dizaines de tournois et des centaines de parties chaque année, certaines rencontres sont à part, différentes. Ces matchs dont l'on fait et refait le scénario dans sa tête plusieurs jours à l'avance. Ces matchs que l'on imagine laisser une trace dans l'histoire. Ces matchs qui électrisent la foule et diffusent dans l'air un parfum si particulier, celui des grandes soirées.

Il y a deux jours, une fois la victoire de Novak Djokovic face à Alexander Zverev entérinée, la perspective d'un choc des générations entre le Serbe (38 ans) et Jannik Sinner (23 ans), a immédiatement mis des étoiles dans les yeux de tous les fans de tennis. Et s'ils n'ont pas eu droit à une homérique bataille en cinq sets, nul doute qu'ils n'auront pas été déçus, tant le n°1 mondial est apparu au sommet de son art.

La machine Sinner

Entré dans la partie pied au plancher, comme à son habitude, le patron a imposé sa cadence sans trembler. Collé à sa ligne, il a mis sous pression le triple vainqueur Porte d'Auteuil, contraint de reculer pour respirer. Ce dernier a bien tenté de varier, distillant ça et là quelques amorties destinées à casser le rythme adverse (9 en tout lors du premier set), plan de jeu qui s'était avéré ultra efficace lors de son quart de finale.

Mais à chaque question posée par "Nole", l'Italien a su apporter la réponse adaptée. À chaque amortie posée, sa contre-amortie renvoyée. À chaque montée au filet tentée, son passing déposé. Auteur d'un premier set quasi parfait (90% de points gagnés derrière la première, 14 coups gagnants, 9 fautes directes), Sinner s'est détaché (6/4).

Un champion étouffé

En course pour une 38e finale en Grand Chelem, la 8e à Roland-Garros, Djokovic n'a évidemment rien lâché. Son âme de champion l'a porté et comme souvent lors des duels au sommet, il a répliqué. Revigoré par un exceptionnel échange de 26 coups bouclé par une volée bien déposée, il a poussé au maximum les curseurs d’agressivité, à l’image d'une balle de break incroyablement sauvée à 6/4, 2-2, grâce à une seconde balle ultra-longue suivie d’une gifle de coup droit.

Dos au mur, le 6e joueur mondial a offert un frisson de rêve au Chatrier lorsqu'il a débreaké alors que son rival servait pour le gain du set (6/4, 5-4). Une intensité malheureusement payée dans la foulée. A force de voir arriver des coups de massue de l’autre côté du filet, il a fini par craquer. Serein même face aux plus grandes difficultés, face aux plus grands défis, Sinner a enfoncé le clou en s'octroyant la manche sur un ultime service gagnant (7/5).

Sinner, le boss du final

Manipulé à la cuisse gauche par le kiné au changement de côté, le "Djoker" a tout donné pour rester au contact malgré une légère baisse d'intensité. Battu à quatre reprises lors de ces cinq dernières confrontations avec le cyborg italien, il a tenté de s'accrocher à ce qu'il faisait le mieux par le passé : remonter un retard de deux manches pour faire s'embraser les stades du monde entier. D'ailleurs, il avait déjà remonté un tel handicap face à son adversaire du soir, au All England Club en 2022. Mais trois ans plus tard, le protégé de Darren Cahill et de Simone Vagnozzi est un homme différent.

Même au plus fort de la pression mise par Djokovic, il a résisté. Bousculé dans tous les sens par son opposant, et parfois même par un public hypnotisé par la résistance légendaire du Serbe, Sinner a tenu bon, écartant trois balles de set à 4-5 au cours d'un jeu irrespirable de plus de 10 minutes. Les nerfs d'acier, le sang glacé, l'Italien de 23 ans s'est rappelé aux plus grandes heures de son aîné en bouclant l'affaire dans la foulée, au terme d'un tie-break maîtrisé, sans broncher.

Le passage de témoin parfait entre une légende absolue et une légende qui se construit, à pas de géant. "C'est très spécial d’affronter Novak en demi-finale de Grand Chelem, a commenté le principal intéressé en bord de court. J’ai fait du mieux possible, je suis ravi d’atteindre la finale. Mais ce que fait Novak est incroyable, je ne peux que lui souhaiter le meilleur et j’espère de nouveaux matchs contre lui à ce niveau. Il a accompli tellement de choses, c'est le meilleur joueur de l’histoire de notre sport. Jouer contre lui, c'est toujours fantastique.

En s'adjugeant le choc des patrons ce vendredi soir, Jannik Sinner a rappelé que malgré son absence de trois mois entre février et mai, personne ou presque n'est capable de se hisser à sa hauteur. Carlos Alcaraz, sorti vainqueur de ses quatre derniers matchs face au boss du circuit ATP, y parviendra-t-il en finale ? Vivement dimanche.