Pas le moindre set perdu en route, seulement trois jeux de service concédés et une impression de maîtrise absolue de son tennis : Jannik Sinner, encore grandiose en demi-finales face à Novak Djokovic, dégage une impression de perfection sur ce Roland-Garros, où il jouera dimanche sa première finale contre son grand rival Carlos Alcaraz.
Sinner, monsieur parfait
L'Italien a réussi un parcours éblouissant pour foncer vers sa première finale à Roland-Garros.

La "perf" majuscule de Rinderknech
Arthur Rinderknech peut être fier de lui. Le Français, premier adversaire de Jannik Sinner à Roland-Garros, avait invoqué un miracle papal pour honorer comme il se devait ce rendez-vous de prestige. Il a en quelque sorte été exaucé : certes, il a été battu en trois sets (comme tout le monde) mais il demeure le seul, sur ces deux semaines à Paris, à avoir réussi à breaker deux fois le numéro un mondial.
Passé ce premier tour, l'Italien a ensuite enchaîné sur 63 jeux de services jalousement conservés, jusqu'à ce qu'il se fasse enfin breaker (ou plutôt débreaker), à 5-4 dans le deuxième de set de sa demi-finale contre Novak Djokovic, vendredi soir. Là encore, un événement. Face au Serbe, il restait sur un total de 40 jeux de service conservés (série réalisée au cœur de quatre matchs différents) sans concéder la moindre balle de break ! Oui, vous avez bien lu : face à Novak Djokovic, qui n'est tout de même pas le relanceur le plus maladroit du circuit.
Titré à l'US Open et à l'Open d'Australie, Jannik Sinner vient donc d'atteindre sa troisième finale majeure consécutive, sa première à Roland-Garros. Et il l'a fait sans perdre un set, une première pour lui en Grand Chelem, une première à Paris depuis Rafael Nadal en 2020. Il a été poussé une seule fois au tie-break et une seule fois au-delà des deux heures de jeu, les deux fois par Novak Djokovic. Ce n'est plus une domination. C'est une hégémonie.
Un mot revient dans toutes les bouches quand il s'agit de qualifier le tennis du numéro un mondial : perfection. Son jeu est d'une cadence étouffante, avec des coups de boutoir assénés en permanence, indifféremment en coup droit et en revers. Les deux pieds sur sa ligne, il ne donne jamais l'impression de prendre un risque démesuré grâce à une balle qui tourne énormément avec des pointes flirtant aux alentours des 4000 rotations/minutes, selon les stats Infosys du tournoi. Dans la maîtrise de ses zones, de ses frappes et de ses schémas, Sinner semble à sa plénitude, à seulement 23 ans.
"Il impose une cadence infernale durant tout le match, a constaté Novak Djokovic, qui a expliqué avoir rarement ressenti un telle oppression sur un terrain, où il en a pourtant vu d'autres. Il frappe la balle incroyablement bien, semble toujours dans le bon timing, rarement en déséquilibre. Face à lui, on est constamment sur la défensive. Contre Zverev, j'avais plus de temps en fond de court pour mettre mon jeu et ma tactique en place. Contre Sinner, jamais. Zéro temps. Il faut toujours être à son meilleur contre lui. J'ai joué à un excellent niveau, mais il était simplement meilleur que moi."
De la part de Djokovic - qui a même trouvé la force de plaisanter sur le fait de ne pas avoir encaissé un 6/0 ou un 6/1 comme beaucoup d'autres avant lui - l'hommage vaut son pesant d'or. C'est d'ailleurs lors de cette demi-finale, pourtant son match le plus difficile de la quinzaine, que Sinner a véritablement touché du doigt la quintessence de la perfection. À chaque alerte, il a réussi à élever encore un peu plus son niveau de jeu, avec un mélange de froideur, de confiance et d'autorité qui rappelle Djokovic, ni plus ni moins.
Si l'Italien, jeune homme de peu de mots, n'est pas du genre à verser dans l'auto-satisfaction, le Serbe, lui, était "soufflé" par l'immense performance de son bourreau. Celle d'avoir réussi à délivrer une telle masterclass, tout au long d'une bagarre pourtant chargée de tension, et d'émotions. "Mentalement, c'est extrêmement fort d'avoir réussi à gérer ces moments difficiles, trois balles de troisième set contre lui notamment, dans un stade entier qui poussait très fort, admirait l'homme aux 24 titres en Grand Chelem. Il a montré pourquoi il est numéro un mondial, tout simplement."
Plus anecdotique peut-être, mais non moins révélateur de la maîtrise parfaite de son jeu, Jannik Sinner n'a commis que deux doubles fautes pour arriver en finale, record en Grand Chelem égalé, après Andy Murray, qui avait signé la même "stat" à l'Open d'Australie en 2013. Pour la petite histoire, le Britannique s'était ensuite incliné en finale contre Novak Djokovic. Nul doute que ce dimanche contre Carlos Alcaraz, Sinner fera tout pour ne pas prolonger davantage le parallèle.
L'Espagnol, peut-être le seul joueur actuellement à posséder les armes tactiques pour faire dérailler la rutilante mécanique italienne, a d'ailleurs remporté leurs quatre dernières confrontations. Dont la finale de Rome il y a trois semaines, et une demi-finale à Roland-Garros l'an passé. Depuis cette élimination dans le dernier carré, Jannik Sinner n'a perdu que quatre matchs : deux de ces défaites lui ont été infligées par Alcaraz, en ajoutant la finale de Pékin en octobre 2024.
Pour le reste, encore une fois, c'est du plus-que-parfait. Avec ces trois finales majeures atteintes consécutivement, Sinner devient le neuvième joueur à aligner 20 succès d'affilée en Grand Chelem. Avant lui ? Que des légendes, de Novak Djokovic (30) à Björn Borg et John McEnroe (20), en passant par Rod Laver (29), Roger Federer (27), Jimmy Connors, Pete Sampras et Rafael Nadal (25). Et la plus grande de ses performances, peut-être, est de s'être d'ores et déjà invité dans la discussion de savoir à quelle place, en termes de niveau pur, le placer dans ce panthéon. De plus en plus haut, en tout cas…