Gauff, une grande championne encore perfectible

L'Américaine a décroché son deuxième titre du Grand Chelem alors qu'elle n'a que 21 ans et semble encore très perfectible.

Coco Gauff Roland-Garros 2025 finale©Clement Mahoudeau / FFT
 - Rémi Bourrieres

Malgré des imperfections encore latentes, Coco Gauff a fait étalage d'immenses ressources tactiques et mentales pour faire à nouveau sortir Aryna Sabalenka de ses gonds et décrocher son deuxième titre du Grand Chelem, ce samedi. Un sacre qui arrive après quelques semaines de doute, et de gros chantiers entrepris sur son tennis encore en construction. Ça promet…

Gauff - Sabalenka, guerre des nerfs et bataille tactique

Même contexte (une finale de Grand Chelem), même adversaire (Aryna Sabalenka), même scénario : un premier set perdu, puis beaucoup de résilience pour renverser la vapeur. Coco Gauff a conquis à Paris son deuxième Grand Chelem en refaisant "le coup" de l'US Open 2023 : elle a littéralement fait craquer la n°1 mondiale, en larmes lors de la cérémonie après avoir commis 70 fautes directes au cours d'une finale grandiose par sa dramaturgie, mais plus inconstante sur le plan purement tennistique (100 fautes directes au total, en ajoutant les 30 de l'Américaine).

Cette finale, la première entre les deux meilleures joueuses du monde à Paris depuis 2013 (Serena Williams - Maria Sharapova), ne s'est pas disputée dans des conditions optimales, avec un vent marqué qui en a compliqué l'équation. Le mérite de Gauff, souligné à juste titre par son adversaire, est de s'y être beaucoup mieux acclimatée. Il y a deux ans, à New York, elle avait remporté la bataille émotionnelle. Cette fois, elle a remporté la bataille tactique. C'est bien connu : au tennis, la faculté d'adaptation est une qualité essentielle.

"Coco est une joueuse encore en formation"

Voilà donc la jeune Américaine, à 21 ans, à la tête de deux titres majeurs et c'est d'autant plus prodigieux quand on voit à quel point elle paraît encore perfectible. Sur le plan de la maturité, de l'intelligence de jeu et de la gestion émotionnelle, c'est du grand art. Mais sur le plan purement technique, on sent une joueuse encore en construction, notamment au niveau du service et du coup droit, ses deux combats de longue date. Durant la quinzaine, elle a commis 41 doubles fautes, dont huit en finale. Et à l'arrivée, elle gagne, malgré tout…

"Coco, cela fait tellement longtemps qu'elle est là que les gens pensent parfois qu'elle a 35 ans, alors qu'elle reste une très jeune joueuse, disait son coach français, Jean-Christophe Faurel, à la veille de la finale. Il y a encore beaucoup d'aspects à travailler dans son jeu, et c'est ce que nous faisons sans cesse. Mais parfois, quand on travaille sur un point en particulier, on en délaisse d'autres, ce qui peut entraîner quelques difficultés. Il ne faut pas l'oublier : c'est une joueuse encore en formation."

On a effectivement tendance à l'oublier, tant Coco traîne derrière elle, depuis des années, une étiquette de prodige qui empêche parfois de dresser un bilan lucide de ses performances. Elle n'avait que 13 ans quand elle a atteint, en 2017, la finale de l'US Open juniors ; 14 ans lorsqu'elle a remporté, en 2018, le titre juniors à Roland-Garros ; et 15 ans lorsqu'elle a battu Venus Williams à Wimbledon, en 2019. Par ces exploits précoces et ses prises de position sociétales, on a eu tôt fait de la cataloguer comme une "nouvelle Williams". Une pancarte qu'elle a toujours refusé de porter, et qui ne l'a certainement pas toujours aidée. Mais qui ne l'empêche finalement pas de gagner.

Jean-Christophe Faurel / Matt Daly, attelage gagnant

C'est à l'époque de ce premier coup d'éclat à Wimbledon que Coco Gauff avait commencé à travailler à part entière avec Jean-Christophe Faurel (140e mondial en 2006) dans le giron de l'académie Mouratoglou. Leurs chemins se sont ensuite séparés : Gauff était entraînée par Diego Moyano lorsqu'elle a atteint sa première finale à Paris en 2022, et par Pere Riba et Brad Gilbert lorsqu'elle a gagné l'US Open 2023.   

Et puis, l'Américaine a de nouveau chamboulé sa structure en 2024, au sortir d'un été nord-américain décevant, ponctué par une défaite face à sa compatriote Emma Navarro en huitièmes de finale de l'US Open, où elle était tenante du titre. Un match traumatisant, dans lequel elle avait commis 19 doubles fautes. Exit Brad Gilbert. Jean-Christophe Faurel, toujours resté proche d'elle, est alors redevenu son entraîneur principal aux côtés de Matt Daly, un ancien joueur universitaire américain devenu un technicien réputé.

Coco Gauff Jean-Christophe Faurel Matt Daly Roland-Garros 2025©Corinne Dubreuil / FFT

Coco Gauff et ses deux entraîneurs, l'Américain Matt Daly (casquette) et le Français Jean-Christophe Faurel.

Gros chantier sur le service et le coup droit

Ensemble, l'équipage s'est attelé, durant l'intersaison, à un chantier considérable autour des deux coups les moins stables de la joueuse. Changement de prise au service (moins fermée), changement d'appuis en coup droit, de manière à mieux traverser la balle : Coco a abordé la saison 2025 avec une nouvelle panoplie. Elle a d'ailleurs bien commencé l'année avec une victoire face à Iga Swiatek en United Cup puis un quart de finale à l'Open d'Australie, avant d'être un peu rattrapée par les travaux en cours. Éliminée d'entrée à Doha et Dubaï, puis rapidement à Indian Wells et Miami, elle a attaqué la saison sur terre battue avec une confiance au plus bas.

"C'est vrai qu'à ce moment-là, elle a eu un petit coup de moins bien, poursuit Jean-Christophe Faurel. Elle s'était un peu perdue. Ce n'est pas une machine. Et c'est peut-être de notre faute, aussi. Il y a eu des moments où l'on n'a pas bien fait les choses. Après Miami, on a beaucoup discuté. On a remis pas mal de choses à plat par rapport à sa manière de jouer, des petits détails qui manquaient peut-être un peu de clarté. Désormais, tout est clair dans sa tête. Et c'est pour cela qu'elle gagne à nouveau beaucoup de matchs."

L'arrivée de la terre battue l'a sûrement aidée, aussi, à faire le ménage. Si Coco a démontré sa capacité à briller sur tous les terrains, son jeu semble de mieux en mieux adapté à l'ocre, surface sur laquelle elle aura donc atteint cette année les trois grandes finales, à Madrid (battue par Sabalenka), Rome (battue par Paolini) et Roland-Garros. Gros volume en coup droit, gros ancrage au sol, énorme couverture de terrain et beaucoup d'adresse dans le petit jeu, le tout au service d'une redoutable intelligence tactique : tous les ingrédients pour briller sur terre.

Si Sabalenka semblait s'avancer comme la favorite, la numéro deux mondiale – qui compte encore près de 3500 points de retard – avait pour elle un (gros) truc en plus : l'expérience d'une finale déjà jouée à Paris, en 2022, face à Iga Swiatek. Finale qu'elle avait perdue, mais dont elle avait tiré beaucoup de leçons : "Je me souviens notamment que j'avais tout absorbé de la cérémonie, jusque dans les moindres détails, a-t-elle confié. Quand l'hymne polonais avait retenti, j'avais vu Iga très émotive et je m'étais dit : quel moment incroyable ! Je voulais vivre cela, moi aussi. À l'époque, j'avais connu une journée difficile. Je doutais de moi et de ma capacité mentale à gérer l'événement. Avant le match, j'étais très nerveuse, je pleurais, je pouvais à peine respirer."

L'Américaine avait promis qu'elle aborderait, cette fois, la finale de manière plus relâchée. Elle y est parvenue, avec ce flegme apparent qui dissimule parfois l'énorme compétitrice qu'elle est. "Elle m'impressionne par la manière dont elle parvient, aussi jeune, à gérer ses matchs, conclut Jean-Christophe Faurel. Coco a une énorme force de caractère, mais elle reste très stable, dans la victoire comme dans la défaite. Ce sont de grandes qualités. Depuis que je la connais, j'ai toujours eu une vision de ce à quoi doit ressembler son jeu. On n'y est pas encore. Cela prendra encore du temps, mais quand tout va s'imbriquer, ce sera quelque chose."

Coco Gauff, 21 ans, deux titres du Grand Chelem à son compteur et toujours une joueuse en construction. De quoi faire peur à ses rivales…