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ATP / WTA : Vacherot & Rinderknech, inimaginable et inoubliable

204e mondial et issu des qualifications, le Monégasque a battu son cousin français afin d’inscrire son nom au palmarès d’un Masters 1000 !

Arthur Rinderknech & Valentin Vacherot /  Photocall trophées ATP 1000 Shanghai
 - Romain Vinot

A l’heure où le circuit s’apparente à un cercle fermé – voire cadenassé – au sein duquel les lauriers sont vampirisés par deux hommes au sommet de leur art, la planète tennis a vu s’écrire sous ses yeux l’une des plus belles histoires de l’année, si ce n’est de la décennie. A Shanghai, deux joueurs, mieux, deux membres de la même famille ont renversé l’ordre établi pour se donner le droit de vivre la plus grande aventure de leur carrière, ensemble, du premier au dernier coup de raquette. Une fable teintée de magie comme on n’en fait plus, qui restera gravée dans nos mémoires et qui pourrait bien changer le cours de leur vie.

Une douce folie

Rien ni personne ne pouvait l’imaginer et encore moins l’écrire, pas même les deux acteurs principaux du scénario digne d’un film de science-fiction qui a été projeté pendant 12 jours sur les courts en dur de Shanghai. Le pitch ? Accrochez-vous. Deux cousins (leurs mères sont sœurs) qui se considèrent comme deux frères et qui ont toujours joué ensemble – y compris au sein de l’équipe universitaire de Texas A&M – se retrouvent en finale d’un Masters 1000 pour la première fois de leur carrière après avoir fait tomber les meilleurs joueurs du monde sur leur passage. Ajoutez à cela le fait qu’à la fin, Valentin Vacherot (204e mondial au début de la compétition) s’impose face à Arthur Rinderknech (58e mondial) pour devenir le premier Monégasque à remporter un tournoi ATP et le joueur le moins bien classé de l’histoire à soulever un trophée dans cette catégorie.

Si ça ne vous paraît pas encore assez surréaliste, précisons que le champion n’avait jusqu’ici gagné qu’un seul match sur le circuit principal, qu’il n’aurait même pas disputé les qualifications sans les forfaits de plusieurs joueurs dont celui de dernière minute de Luca Nardi et qu’il a remporté six de ses neufs rencontres, dont la finale, après avoir perdu la première manche. "Quand je suis arrivé ici, je n'étais même pas censé participer à l’événement, a expliqué Vacherot en conférence de presse. Mais j’ai pris le pari de venir quand même, je me suis inscrit quasiment la veille du coup d’envoi du tournoi. Tout au long de cette aventure, les défis se sont succédé. Dès le premier tour des qualifications, j’étais mené 6/7, 3-4 et j’ai également sauvé une balle de break alors que je courrais après le score dans le troisième set du deuxième tour. J’ai aussi sauvé des opportunités contre Bublik dans le tableau principal après avoir perdu la manche inaugurale… J’ai remporté six matchs en ayant été mené d’un set ! Je suis tellement heureux d’avoir surmonter tout ça, le simple fait d’être assis en face de vous en ce moment me semble irréel."

Chacun dans la box de l’autre lors des derniers tours, les deux cousins ont multiplié les messages de soutien sur les caméras après chaque victoire, Valentin débarquant même sur le court pour prendre dans ses bras Arthur lorsque ce dernier a brillamment composté son billet pour la finale. Assis côte à côte sur le banc en attendant la cérémonie protocolaire, ils peinaient à prendre la mesure de leur exploit et ont continué leur démonstration d’amour au moment des discours.

Les yeux embués de larmes de joie, ils se sont remerciés et congratulés, profitant de cet instant suspendu et unique. "Je ne comprends toujours pas ce que je fais ici, a ensuite tenté d’expliquer celui qui a gagné le double de son prize-money en carrière ainsi que 164 places au classement ! Je pense que je vais commencer à réaliser dans quelques jours mais pour l’instant, je veux simplement profiter du moment présent. J’étais très ému sur le court après la cérémonie avec Arthur. Ce qu’on a vécu, c’est invraisemblable pour nous. Malheureusement, il n’y a qu’un seul vainqueur mais dans l’ensemble, notre famille a gagné et le tennis aussi car l’histoire que nous venons d’écrire est incroyable."

Si les protagonistes, fans et observateurs ont dû se pincer pour y croire, il ne faut toutefois pas oublier que cette cousinade dorée s’est organisée grâce à de prestigieuses victoires, acquises au talent, au courage et au physique. Cette affiche aussi belle qu’invraisemblable n’a pas été le fruit d’une désertion de stars comme cela a pu être le cas dans certains tournois par le passé. Si les favoris ont souffert de la chaleur et de l’humidité, ils sont surtout tombés sur plus fort et plus déterminé qu’eux, lorsqu’ils ont croisé la route de Vacherot ou de Rinderknech.

Il suffit de regarder de plus près le tableau de chasse du vainqueur et du finaliste pour s’en convaincre. Le glorieux qualifié, qui est parvenu à placer la Principauté sur la grande carte du tennis mondial, s’est ainsi imposé face à Laslo Djere, Alexander Bublik, Tomas Machac, Tallon Griekspoor et Holger Rune avant de faire tomber – excusez du peu – la légende du jeu Novak Djokovic. L’homme aux 24 titres du Grand Chelem n’a d’ailleurs pas manqué de féliciter son bourreau sur Instagram : "C’est ton moment, tu as joué de manière incroyable et tu as fait la fierté de Monaco". De son côté, celui qui pourrait bien terminer l’année avec le statut de n°1 français (il est désormais 28e mondial) a battu Hamad Medjedovic, Alex Michelsen, Alexander Zverev (comme à Wimbledon), Jiri Lehecka, Félix Auger-Aliassime et Daniil Medvedev !

En finale, même si l’essentiel était ailleurs, les cousins n’ont pas été ensevelis par leurs émotions ou par l’enjeu, bien au contraire. Fidèles à leur plan de jeu, ils ont bataillé pendant 2h14 (4/6, 6/3, 6/3) offrant un spectacle digne de ce nom aux nombreux spectateurs, ravis d’assister à cette réunion de famille improvisée. Comme à son habitude, Vacherot est monté en puissance, au point de devenir quasiment injouable sur sa mise en jeu dans le troisième set. A l’inverse, à l’image de ses soudaines crampes lors de la cérémonie, "Rinder" a consumé sa jauge d’énergie au fur et à mesure de la partie, manquant ainsi une occasion en or de devenir le premier Tricolore depuis Jo-Wilfried Tsonga en 2011 à s’imposer en Masters 1000.

Mais ce n’est évidemment pas ce qu’on retiendra de cette folle aventure commune. Il fallait certes un vainqueur à la fin mais comme ils l’ont répété à l’envie ces derniers jours, c’est bien leur alchimie, leur passion et leur volonté d’écrire ensemble leur histoire qui les ont menés sur la dernière marche. A respectivement 26 et 30 ans, ils ouvrent désormais une toute nouvelle page de leur carrière, et en tant que pensionnaires du Top 40, ils devraient de nouveau avoir prochainement l’occasion de se retrouver de chaque côté du filet, dans les plus prestigieuses enceintes du monde.

Gauff retrouve le sourire

Si Wuhan n’a pas été le théâtre d’une telle saga familiale, ce WTA 1000 a toutefois été marqué par de belles retrouvailles amicales lors de la première finale entre Coco Gauff et Jessica Pegula. Anciennes partenaires de double, les finalistes de l’édition 2022 de Roland-Garros étaient l'une en face de l'autre ce dimanche et c’est la plus jeune des deux Américaines qui a dicté sa loi (6/4, 7/5 en 1h42). "Quand je suis arrivée sur le circuit, tu as été l'une des premières personnes à être sympa avec moi et à m'accueillir à bras ouverts, a confié la championne à son adversaire et amie. Ça m’a beaucoup aidée, je t’en suis reconnaissante et je t’apprécie beaucoup. C’est cool d’avoir enfin pu disputer une finale contre toi, j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres !"

En proie aux doutes depuis son sacre parisien – elle a été éliminée au premier tour de Wimbledon et en huitièmes de finale de l’US Open – la n°3 mondiale n’a pas perdu le moindre set au cours de sa semaine pour s’adjuger son onzième titre en carrière, le troisième dans cette catégorie. En demi-finales, elle a pris le meilleur sur Jasmine Paolini, pourtant impressionnante tombeuse d’Iga Swiatek en quarts et qui restait surtout sur trois victoires de rang face à Gauff. Victorieuse d’Aryna Sabalenka dans le dernier carré, "Jpeg" s’est quant à elle accrochée tout au long de ce dernier match mais a fini par craquer sous les nombreux coups gagnants distillés par sa compatriote (24)."Tu es la reine du troisième set, a poursuivi Coco avec le sourire. J’étais donc déterminée à ne pas te laisser m’y emmener aujourd’hui parce que je sentais que ça tournerait en ta faveur en cas de troisième manche".

Déjà demi-finaliste à Pékin la semaine passée, la joueuse de 21 ans semble de nouveau en pleine confiance. De quoi finir l’année en beauté en conservant sa couronne lors des Finales WTA de Riyad ? Réponse le 8 novembre !