Dans l’étouffante chaleur londonienne, les spectateurs qui avaient fait le déplacement au All England Club ont assisté à des morceaux d'histoire : la qualification pour une troisième finale consécutive de Carlos Alcaraz et la toute première de Jannik Sinner, la seule qui manquait à son palmarès en Grand Chelem.
Wimbledon 2025 – Demi-finales messieurs : Alcaraz et Sinner, évidemment
Respectivement tombeurs de Novak Djokovic et Taylor Fritz, le n°1 mondial et son dauphin disputeront la finale messieurs ce dimanche.
Dans son jardin
Sous les yeux d'une pluie de stars en tribunes, à l'image de l'acteur Leonardo DiCaprio, le double tenant du titre n’a même pas pris le temps d'un tour de chauffe. Même l’insecte reçu dans l’œil après cinq jeux disputés ne l’a pas ralenti un instant dans sa nouvelle quête contre Taylor Fritz. Grâce à un service impeccable et 100% de points remportés derrière sa première balle (une statistique seulement descendue à 88% à la fin de la rencontre), Carlos Alcaraz a survolé la première manche (6/4). "J’ai été très à l’aise au service et à la volée, c’est quelque chose d’important : ne pas laisser mon adversaire entrer dans le point et mettre du rythme," a analysé le premier qualifié du jour après la rencontre.
Coupable d'un petit coup de moins bien en fin de deuxième set, c’est comme souvent au moment où il aurait pu se retrouver le plus en danger que l’Espagnol a réagi. Après la perte de cette fameuse deuxième manche sur l’une des deux seules occasions de break de son adversaire (5/7), il a nettement repris sa marche en avant pour dominer les deux suivantes. C’est lui qui a fait le jeu, enchaînant les points en fond de court, alternant coup droit long de ligne et amorties, comme il sait si bien le faire. Dans le tie-break du quatrième set – exercice dans lequel il avait particulièrement excellé à l’occasion de la finale de Roland-Garros –, il a une nouvelle fois fait preuve de sang-froid pour sauver deux balles de set en inscrivant trois points consécutifs. Suffisant pour s'éviter une manche décisive (6/4, 5/7, 6/3, 7/6(6) en 2h49) et ainsi rallier la finale à Londres, comme en 2023 et en 2024. "Je ne pourrais pas être plus fier. Je suis vraiment très heureux d’être en finale pour la troisième fois de suite, en jouant à un si bon niveau," a-t-il conclu en conférence de presse.
Vers un double-double ?
À 22 ans seulement, Carlos Alcaraz n'en finit plus de tendre les bras vers de nouveaux records. Lui qui vient d’enchaîner 24 matchs sans défaite – de sa victoire à Rome, en passant par celle à Roland-Garros, puis son titre au Queen’s, et enfin sa campagne en cours à SW19 –, pourrait rejoindre Björn Borg dans le club ultra fermé des joueurs qui ont remporté les Majeurs parisien et londonien la même année, deux fois de suite (le Suédois a réalisé cette prouesse en 1978, 1979 et 1980). "Je ne pense pas trop à ces records et à ces succès consécutifs, avait révélé l’intéressé après son quart de finale. C’est juste mon rêve d’entrer sur ces courts majestueux et de jouer au tennis dans les tournois les plus prestigieux du monde. C’est la seule chose à laquelle je pense et c’est pour cela que j’essaie d’apporter de la joie sur les courts."
Et s’il n’y pensera sûrement pas dimanche, au moment de retrouver Jannik Sinner pour une nouvelle rencontre au sommet entre les deux meilleurs joueurs du monde, nombreux sont ceux qui lui rappelleront qu’il est invaincu en finale de Grand Chelem...
Fritz, petit prince du gazon
C’est certainement la surface sur laquelle il s’exprime le mieux. Celle qui permet à l’Américain de construire les points et de faire étalage de toute sa panoplie. A la suite d'une élimination précoce à Roland-Garros (premier tour, contre Daniel Altmaier), Taylor Fritz a repris le verdoyant chemin du succès. En trois tournois de préparation disputés ces dernières semaines, il en a remporté deux (à Stuttgart et Eastbourne).
Finaliste de l’US Open en 2024 (contre Jannik Sinner) et demi-finaliste à Londres pour la première fois, le 5e joueur mondial a confirmé qu’il avait les qualités et les capacités des plus grands, même s’il lui reste encore une marche à franchir. "Je sais que je peux reproduire ce que j’ai accompli à l’US Open. Mes résultats parlent d’eux-mêmes, ainsi que la moitié de mes titres, gagnés sur gazon, a-t-il détaillé devant la presse. Je sais jouer des matchs importants et des matchs sous pression. Rien ne sera jamais plus stressant pour moi que cette demi-finale contre Frances à New York pour une place en finale !"
Il l’a encore prouvé, notamment dans les deuxième et quatrièmes sets de sa demi-finale face au double champion en titre. Mais s’il trouve les bonnes zones, enchaîne les bons coups et parvient parfois à surprendre son adversaire, ce n’est pas encore suffisant pour celui qui visait une deuxième finale en Majeur. Mais il sait aussi relativiser, parce que finalement, le plus important dans son cheminement vers l’excellence, c’est le travail pour y parvenir. "À chaque fois que je joue contre ces deux-là, j’apprends beaucoup sur ce que je dois encore travailler et améliorer pour être meilleur. Au bout d’un moment, il faudra que je réussisse à les battre si je veux atteindre mon objectif ultime et ce n’est pas une mince affaire ! Je vais continuer d’en apprendre plus sur mon jeu, sur ce que je peux faire différemment et sur ce que je dois encore améliorer pour évoluer au même niveau qu’eux." Le rendez-vous est d'ores et déjà pris pour la tournée américaine dans quelques semaines.
Bis repetita
En dominant Novak Djokovic en trois petits sets (6/3, 6/3, 6/4), Jannik Sinner a dépassé le maître, atteint sa première finale londonienne et acquis un cinquième succès de rang face à l’ancien n°1 mondial – qui ne l’a plus battu depuis 2023.
Et s’il n’est pas passé loin de l’élimination dans une rencontre au scénario déchirant contre Grigor Dimitrov en huitièmes de finale, l’Italien a étouffé et écœuré ses adversaires lors de toutes ses autres sorties, demi-finale incluse ! Et alors que l'on pensait la partie relancée dans la troisième manche, lorsque le tableau des scores affichait 3-0 en faveur du Serbe, qui n'était qu'à deux points du double break, le n°1 mondial a douché tous les espoirs de remontée en inscrivant cinq jeux consécutifs et en se procurant une première balle de match. C'est finalement sur sa mise en jeu et sur sa quatrième opportunité qu'il a définitivement acté sa suprématie. "J’ai du mal à y croire… C’est un tournoi que j’ai toujours regardé à la télévision quand j’étais petit, mais je n’aurais jamais pensé pouvoir disputer la finale un jour," s'est-il ému en bord de court.
Enfin, la première
Stoppé deux fois en quarts de finale et une fois en demie à Wimbledon, Jannik Sinner a enfin franchi son plafond de verre sur le gazon londonien. Une performance qui lui permet de devenir le cinquième joueur depuis 1995 (et le onzième dans l’ère Open) à atteindre la finale des quatre Majeurs "en bonne compagnie" comme il l’a lui-même confié.
S’il n’a remporté qu’un seul titre sur cette surface (Halle, en 2024), les progrès et la maîtrise du double vainqueur de l’Open d’Australie sont criants. "Bien sûr, mon but est de gagner des tournois que je n’ai pas encore remportés, sur des surfaces où je n’ai pas encore triomphé. Mais en même temps, j’essaie de comprendre quel joueur je suis en fonction de la surface, a-t-il expliqué en conférence de presse après sa qualification pour la finale. Je pense que j’ai progressé sur terre battue et j’espère pouvoir le prouver aussi sur gazon. C’est une occasion incroyable, une chance exceptionnelle."
Place désormais à la finale tant attendue, ce dimanche. Un remake du match légendaire disputé Porte d'Auteuil il y a seulement quelques semaines. Une fois encore, quel que soit le résultat, Jannik Sinner est assuré de conserver sa place de n°1 mondial. Mais nul doute qu'il ne se contentera pas de ça...
Si près et pourtant si loin
Après une nouvelle épopée anglaise remarquable, Novak Djokovic ne soulèvera pas – cette fois-ci – son huitième trophée au All England Club, ni le 25e titre en Majeur de sa carrière. Bousculé par-ci par-là durant ces quinze jours (un set perdu contre Alexandre Müller, Alex De Minaur et Flavio Cobolli), il a toujours fait preuve d’un engagement, d’une puissance et d’une maîtrise caractéristiques de son jeu. Mais une fois encore – comme lors de la demi-finale de Roland-Garros – c’est sans remporter la moindre manche qu’il s’est incliné, visiblement diminué physiquement. "Ce n’était pas très plaisant sur le court, je n’ai pas envie de rentrer dans les détails sur ma blessure, mais je ne suis pas parvenu à jouer à mon meilleur niveau, a-t-il expliqué après la rencontre. Félicitations à Jannik, c’était lui le plus fort aujourd’hui, mais je suis déçu de ne pas avoir pu me déplacer comme je l’aurais espéré."
Une défaite qui ne remet pas en cause les ambitions du septuple vainqueur à Londres : "J’espère que ce n’était pas mon dernier match sur le Centre Court. Je n’ai pas l’intention d’arrêter ma carrière à Wimbledon aujourd’hui. J’ai bien l’intention de revenir au moins une fois !"
À 38 ans, l’homme aux 24 titres du Grand Chelem chute de plus en plus régulièrement face à cette nouvelle jeunesse étincelante. Mais son envie et ses ambitions restent intactes. Quant à ses records, ils semblent toujours inégalables.