Quarts de finale
Loïs Boisson, les chiffres pour le dire

Déjà extraordinaire en huitièmes de finale, la Française a encore propulsé son Roland dans une nouvelle dimension face à Mirra Andreeva.
Perfectionniste et introvertie en dehors du court, Loïs Boisson a suspendu le public à ses coups droits et à ses exploits depuis le début de la quinzaine. Sans chercher à assurer le show, ni à lâcher des déclarations sensationnalistes, la Dijonnaise de 22 ans séduit des spectateurs français heureux de l'éclosion de cette nouvelle étoile.
Surprendre une top 10 en huitièmes de finale de Roland-Garros n’avait pas suffi. Il a fallu patienter – pas plus de 48 heures, certes – jusqu’au deuxième exploit de Loïs Boisson pour la voir fendre l’armure. Sa balle de match victorieuse contre Jessica Pegula avait dessiné un sourire magique sur son visage, puis elle avait lentement déployé ses bras en se tournant vers son clan, comme transportée. En apesanteur.
Cette fois, l’onde de choc du lob manqué de Mirra Andreeva a fait trembler le court Philippe-Chatrier et sa championne avec. La Dijonnaise s’est allongée sur la terre de ses exploits, le visage entre les mains, submergée par l’émotion. Pourtant, lorsqu’elle s'est relevée pour admirer la foule en délire et serrer la main de sa concurrente, ses yeux étaient bien au sec.
Si son regard n'était pas embrumé, c'est probablement parce qu'il est déjà braqué vers l’horizon. Tourné vers le jeudi 5 juin, vers Coco Gauff et le dernier carré du Majeur parisien.
Il faut dire que l’athlète de 22 ans avait déjà signé une première prouesse, avant même le début du tournoi. En mai 2024, le ligament croisé antérieur de son genou gauche avait cédé alors qu'elle devait déjà bénéficier d'une wild-card pour Roland-Garros. Mais son corps lui avait donc retiré le sésame des mains. Le poncif dit qu’il faut compter deux fois le temps de convalescence pour qu’une sportive retrouve son niveau après "les croisés". Boisson est revenue sur les courts en février. Elle a décroché son premier succès sur le circuit principal en avril et les cinq suivants à Roland.
"Malgré ce qu’il s’est passé l’année dernière et les moments difficiles que j’ai pu vivre, mon équipe m’a toujours soutenue. C’est pour ça qu’on en est là aujourd’hui", a-t-elle d’ailleurs lancé au public du Central, là où elle s’était montrée moins expressive deux jours plus tôt. En bonne perfectionniste, elle est vite revenue au concret, le saupoudrant d’un brin d’humour : "J’ai un peu trop couru, j’étais tellement tendue que ça ne sortait pas super bien de la raquette. On va récupérer au max, il y a six kinés dans ma box (rires). Je serai prête demain".
Pour elle, la perspective d’une première participation en Grand Chelem s’est donc finalement matérialisée avec cette wild-card 2025, dont elle a pu profiter pour de bon. "C’est un rêve de jouer Roland-Garros. Être en quarts, c’est déjà une étape. Le gagner, c'est un rêve et un objectif", a-t-elle d’ailleurs exposé avec calme et sang-froid en conférence de presse. Comme si, une fois le fantasme évacué, tout redevenait terre-à-terre. Comme si ce parcours s'inscrivait dans la normalité. La 361e joueuse mondiale ne croit pas aux "miracles", mais au "travail".
Pourtant, depuis 1968 et le début de l’ère Open, jamais une invitée ne s’était hissée jusqu’au dernier carré du tableau dames du Majeur parisien. Sa trajectoire rappelle l'épopée victorieuse d'Emma Raducanu à l'US Open 2021. Plus jeune (18 ans), mais mieux classée (150e), la Britannique était sortie des qualifications pour soulever le trophée, sans toutefois s'offrir le scalp d'une top 10 sur son passage.
Boisson n'en est pas encore là. La pure terrienne est déjà la demi-finaliste en Grand Chelem la moins bien classée des 40 dernières années. Côté franco-français, à Roland, elle succède à Marion Bartoli, dernière Tricolore à s’être projetée à ce stade de la compétition, en 2011.
En huitièmes de finale, le Chatrier ne savait pas encore à quoi s'attendre, malgré sa leçon de résilience contre Elsa Jacquemot au tour précédent. Mais, à mesure que l’exploit se rapprochait, le Central s’est réveillé, secoué par le moindre décalage coup droit flamboyant de sa championne. Ce mercredi, l'écrin était prévenu, mais sans doute pas tout à fait prêt à revivre une telle démonstration. Le public n'est toutefois pas venu les mains vides. "La Marseillaise a l’échauffement, je ne m’y attendais pas. J’en ai eu des frissons", a-t-elle souri.
Son jeu unique suffit à embarquer le public français, elle n'a pas besoin d'en faire trop. Rarement démonstrative après un coup gagnant, elle est plus expressive après une faute directe. "J’ai quand même célébré après chaque victoire, a-t-elle corrigé. Mais je ne vais pas non plus m’allonger par terre après tous les matchs !" L’introvertie Dijonnaise va encore monopoliser la Une. Il y a dix jours, Loïs Boisson n'était qu'une invitée parmi d'autres. Aujourd'hui, elle est l'héroïne de tout un peuple.