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ATP : du French Flair à Cincy

Alors que la tournée américaine se poursuit à l’aube du dernier Grand Chelem de la saison, les protagonistes du circuit récitent leurs gammes à Cincinnati.

Adrian Mannarino / Troisième tour, Masters 1000 Cincinnati 2025©Cincinnati
 - Marion Theissen

Au cours des cinq dernières années, au moins trois joueurs Tricolores ont disputé les huitièmes de finale d’un Masters 1000 à deux reprises seulement : lors du Rolex Paris Masters, en 2024 (ils étaient cinq !) et à l’occasion de ce deuxième Masters 1000 consécutif sur le continent américain. L’habitué Adrian Mannarino, le tonitruant Terence Atmane et le surprenant Benjamin Bonzi font forte impression dans l’Ohio.

L’habitué

Si l’habit ne fait pas le moine, l’âge ne fait pas le joueur non plus ! À 37 ans, rien ne semble plus réussir à Adrian Mannarino que d’enchaîner. En six jours, le Français a remporté cinq matchs, dont deux tours de qualifications. La nuit dernière, c’est face à Tommy Paul (n°13) qu’il a décroché son ticket pour les huitièmes de finale (5/7, 6/3, 6/4), au terme d’un long combat de 2h39. "J’ai eu ma chance plusieurs fois sans parvenir à la saisir, j’ai un peu douté sur cette fin de match mais je suis vraiment content de m’en sortir. C’est un super résultat pour moi, j’ai eu le mérite de m’accrocher jusqu’au bout, c’est une victoire de plus et je suis très satisfait", a-t-il déclaré à l’issue de la rencontre celui qui avait déjà fait tomber son adversaire américain dans un tournoi de cette envergure : lors du Rolex Paris Masters, l’an passé.

Sixième joueur le plus âgé à atteindre les huitièmes depuis que le format existe (aux côtés entre autres de Stan Wawrinka, Roger Federer ou encore Gaël Monfils), le vétéran tricolore est dans une forme éblouissante et s’est donc offert trois membres du Top 50 dans un même tournoi (Jordan Thompson, Tomas Machac et Tommy Paul) pour la première fois depuis Winston Salem en 2022. Il avait alors soulevé le trophée.

Un début d’année compliqué

Pourtant, le début de saison 2025 n’a pas démarré sous les meilleurs auspices pour le gaucher. Onze défaites en douze matchs, toutes compétitions confondues : il a dû attendre fin mars pour connaître un premier succès dans le grand tableau d’un tournoi du circuit principal. C’était à l’occasion de l’ATP 250 de Houston, contre Yannick Hanfmann – après avoir été repêché des qualifications. À ce moment-là, il était redescendu à la 145e place, 13 mois seulement après avoir atteint son plus haut classement : 17e en 2024. Mais s’il y a une chose que "Manna" a su prouver tout au long de cette année, c’est qu’à force de batailler, on finit par renverser n’importe quelle situation. "C’est ça le truc : on ne peut pas faire l’enfant gâté. Peu importe où vous jouez, que ce soit en Challenger ou en Grand Chelem, il faut avoir soif de victoires, il faut être motivé. Je suis plutôt heureux en réalité, je n’ai pas perdu cette motivation", avait-il déclaré à Talking Tennis à l’occasion du Challenger de Newport.

Si le début d’année a été poussif, il a juste eu besoin d’attendre patiemment l’une de ses surfaces de prédilection pour retrouver de sa superbe. C’est à Wimbledon, au début de l’été, qu’il est parvenu à enchaîner le plus de victoires cette saison : cinq, dont trois en qualifications et une longue bataille au deuxième tour face à Valentin Royer. Sur le gazon londonien, il a retrouvé toute sa confiance, avant d’enchaîner avec une finale en Challenger. De retour à la 89e place, il sait se servir de ses 21 années d’expérience sur le circuit pour renverser des situations. Il devra puiser dans ces ressources au prochain tour, puisque le tenant du titre Jannik Sinner l’attend.

Le brillant qualifié

Lui qui n’avait remporté jusqu’à présent qu’un seul match sur le circuit principal cette saison (à Umag, en juillet dernier) réalise la plus belle performance de sa jeune carrière. Issu des qualifications, Terence Atmane vient d’enchaîner trois victoires d’exception. Après le Japonais Yoshihito Nishioka (6/2, 6/2) et l’Italien Flavio Cobolli (6/4, 3/6, 7/6(5)), c’est la nouvelle pépite du circuit mondial, Joao Fonseca, qui a subi la loi du gaucher de 23 ans (6/3, 6/4). Classé au-delà de la 800e place mondiale en 2022, il a déjà joué sous le maillot de l’équipe de France, notamment avec les U16 et la génération 2002 portée par Arthur Cazaux. Mais il a dû se montrer patient pour éclore au plus haut niveau. Pour "Le Magicien" (comme il se prénomme sur son compte Instagram), tout a véritablement commencé à la fin de l’été 2023.

Éliminé au deuxième tour des qualifications de l’US Open cette année-là, le Nordiste a alors décidé avec son équipe de s’envoler directement pour la Chine. "On a pris un vol quatre heures après ma défaite, a-t-il raconté en 2024 au Podcast Au-delà du Top 100 de l’Équipe. 16h de vol, une escale, 13h de décalage horaire et je jouais le lendemain à 14h. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je joue contre une wild-card, je me retrouve rapidement mené 6/3, 5-4, service à suivre pour mon adversaire." Et là, c’est le déclic. "Je ne sais pas comment j’arrive à revenir. Dans le troisième set, je sauve sept balles de match et je gagne ! J’étais comme un dingue." Une tournée synonyme de révélation. En quelques semaines, Terence Atmane a remporté ses deux premiers titres en Challenger (Zhangjiagang et Guangzhou), avant d’enchaîner trois victoires au Masters 1000 de Shanghai. Désormais, il est quadruple champion sur le circuit secondaire.

Depuis, son talent a été largement reconnu par les plus grands, comme Daniil Medvedev, Grigor Dimitrov ou encore Taylor Fritz qui vantent ses mérites. Diagnostiqué HPI dès l’âge de 15 ans, Atmane a pris le temps d’apprendre à se connaître et se dompter, avant de trouver les bonnes personnes pour l’entourer. Désormais coaché par Guillaume Peyre – ancien entraîneur de Marcos Baghdatis et Richard Gasquet –, il a pris confiance en lui et en son jeu. "Sa manière de me parler me donne de l’énergie et de la confiance. Il s’occupe de moi comme d’un fils. Mais c’est aussi quelqu’un qui peut être très dur et ça m’aide beaucoup, a-t-il récemment confié à l’ATP. J’ai réalisé que je me mettais trop de pression. Avant le début des matchs, au moment d’entrer sur le court, j’étais déjà très tendu. Je suis quelqu’un de très sensible. J’aime montrer mes émotions, mais maintenant, grâce à Guillaume, je suis en contrôle. Il me dit : ‘Entre sur le court, donne-toi à 100% et c’est tout ! Si tu perds, on continuera de travailler, voilà tout.’ C’est aussi simple que ça, et ça a tout changé dans ma tête." Pas vraiment fan du principe d’être encadré techniquement, il prône plutôt le jeu instinctif et parfois spectaculaire. "J’aime créer l’effet de surprise sur un terrain et déstabiliser les joueurs d’en face. Je n’ai jamais eu peur de faire trois service-volées d’affilé pour sauver des balles de match, je n’ai pas peur d’envoyer de toute mes forces en étant 6m derrière ma ligne de fond. J’ai toujours eu ce côté instinctif et fougueux qui fait ma force aujourd’hui". Une force dont il aura besoin au prochain tour, pour tenter de se défaire de Taylor Fritz, double quart-de-finaliste dans l’Ohio.

L’étincelante première

Il avait terminé l’année 2024 en beauté. Avec 21 succès en 22 matchs, le tout ponctué de deux trophées en Challenger et du tournoi de Metz, Benjamin Bonzi avait lui-même du mal à y croire. "Si vous m’aviez dit il y a six semaines que j’en serai là, je vous aurais traité de menteur ! Mais tout est incroyable. Je me sens bien sur le court, je crois que j’ai retrouvé mon meilleur niveau, surtout au niveau mental. Je sais que je peux tout affronter et être prêt à tout, ce n’était peut-être pas complètement le cas avant", avait-il alors confié à l’ATP.

En 2025, place à la confirmation. Et l’été du Nîmois est particulièrement réussi. Pour preuve : deux de ses trois victoires contres des joueurs du Top 10 ont eu lieu à Wimbledon (contre Daniil Medvedev) et à Cincinnati (contre Lorenzo Musetti). Et s’il ne fait plus partie des dix meilleurs joueurs de la planète, une victoire contre Stefanos Tsitsipas – double finaliste en Grand Chelem et ancien n°3 mondial – n’en est pas moins prestigieuse. Dans la nuit de lundi à mardi, le Français a dominé un Grec qu’il n’avait encore jamais battu en concédant la première manche - comme à chaque match depuis le début du tournoi (6/7(4), 6/3, 6/4). À 29 ans, le 63e joueur mondial va découvrir les huitièmes de finale d’un Masters 1000 face à Félix Auger-Aliassime pour tenter de franchir un nouveau palier.