Tout au long de sa formidable carrière à laquelle il a mis un terme ce jeudi, Richard Gasquet a cultivé presque sans le vouloir une formidable popularité auprès du public français. Sa précocité puis sa longévité, son talent et sa simplicité lui ont permis, au-delà des titres, de gagner durablement le cœur des gens.
Richard G., le champion que la France a tant aimé
Le Français, désormais retraité, aura développé avec le public français un rapport très particulier.
Gasquet et "Roland", l'histoire de nos vies
Voilà, c'est fini. Il avait annoncé il y a plusieurs mois que ce Roland-Garros serait son dernier tournoi. Mais tant qu'on n'y était pas encore, on ne réalisait pas vraiment. Ou alors, on refusait d'y penser. Mais cette fois, l'inéluctable réalité s'impose à nous : battu comme l'an dernier au deuxième tour par Jannik Sinner, Richard Gasquet n'est plus un joueur de tennis professionnel. Et très honnêtement, cela fait bizarre.
Avec Richard Gasquet aujourd'hui comme avec Rafael Nadal l'autre jour, voilà plus de vingt ans de carrière, avec ses hauts et ses bas, ses frissons et ses joies, qui se volatilisent d'un coup. Et c'est un peu de nous aussi qui s'en va avec lui. Ses matchs de légende, joués à Roland-Garros ou ailleurs, resteront pour toujours un marqueur temporel de nos vies. Et c'est pourquoi l'émotion fut si forte, une fois de plus, quand il fallut lui dire adieu. Lorsque sa dernière balle, hors limite, nous précipita dans la nostalgie de ce fichu temps qui passe.
Richard Gasquet, c'est l'un des plus grands joueurs français de l'histoire avec ses 16 titres ATP, ses trois demi-finales en Grand Chelem, sa victoire en Coupe Davis ou encore sa médaille de bronze olympique. Mais c'est bien plus que ça : il fait partie du patrimoine du tennis français, dont il est devenu aujourd'hui un monument protégé, et même sacralisé. Particulièrement à Roland-Garros, où il est parti en laissant son empreinte avec cette 22e participation record. Et une "fin parfaite, sur le plus beau court du monde, face au numéro un mondial", comme il l'a dit au micro d'un court Philippe-Chatrier plein à craquer, qui venait d'offrir le plus beau des hommages à ce champion qu'il aura tant aimé.
Un homme ordinaire, un talent extraordinaire
Richard Gasquet est entré dans le cœur du public français dès l'âge de neuf ans, quand il fit cette fameuse couverture de Tennis Magazine sous un titre qui l'a suivi toute sa vie, "Richard G. le champion que la France attend ?" Il n'en est jamais sorti, se construisant au fil de sa formidable carrière une popularité qui a fini par surpasser son palmarès. Richard Gasquet n'a peut-être pas gagné ce tournoi du Grand Chelem qu'on aurait pu espérer de lui. Mais il a gagné le cœur des gens, éternellement.
Adolescent timide puis champion pudique, l'enfant de Sérignan n'a pourtant jamais rien fait pour attirer la lumière. L'amour des gens est venu à lui presque à son corps défendant, pour des raisons multiples. Pour sa précocité qui nous a fait rêver. Sa longévité qui nous a épatés. Et sa simplicité qui ne l'a jamais quitté. Richard, c'était la drôle de conjonction d'une personnalité ordinaire et d'un talent qui, lui, ne l'était pas. La rencontre du génie et de la "normalité". Un champion intouchable, doté d'un revers de rêve à inscrire d'urgence au panthéon de notre sport. Mais un homme accessible, ce copain de club qu'on aurait tous aimé avoir.
Ses doutes étaient les nôtres, quand il se heurtait à la brutale dureté des monstres de son époque. Ses mimiques devinrent les nôtres aussi, cette façon bien à lui de remettre son grip ou de choisir soigneusement sa balle avant de servir. Ses drôles de gimmicks et son accent du Sud. On a tout aimé de Richard Gasquet. L'hommage que n'ont pas manqué de lui rendre ses pairs, y compris les plus jeunes, ne trompe pas. "Une légende du tennis", a résumé Arthur Fils, qui n'était pas de ce monde lorsque son aîné a joué son premier Roland-Garros, en 2002.
Surtout, Richard Gasquet était un champion profondément amoureux du jeu, rien que du jeu. Elle est peut-être là, l'explication profonde de sa popularité. Il l'a encore répété en conférence de presse, où il s'est présenté avec le visage serein de celui qui a accompli sa mission : ce qui l'a toujours guidé, c'est son amour pour le tennis, un amour pur et authentique. Même après avoir jeté ses derniers feux, il n'avait qu'une hâte : reprendre la raquette un jour, pour le plaisir, lors d'un Trophée des Légendes ou d'une compétition senior. Richard Gasquet n'est plus un joueur professionnel. Mais il reste, avant tout, un joueur de tennis.
Il était 16h17, précisément, lorsque les spectateurs du court Philippe-Chatrier se sont levés à l'unisson pour saluer leur héros en scandant son prénom. C'est d'ailleurs sûrement le plus bel indicateur de popularité pour un champion : quand on finit par l'appeler plus souvent par son prénom, et même son surnom. C'était Richard, c'était "Richie". Et lui-même l'a dit : on se reverra vite…