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Holger Rune - Flavio Cobolli (2e tour)

Auteur d'un livre original sur l'édition 2024, l'écrivain franco-canadien a été ébloui par sa (re)découverte de Roland-Garros.
Laurent Sagalovitsch vient de sortir un livre sur Roland-Garros, Joue-la comme Godard, calqué sur la manière dont le célèbre réalisateur aurait aimé en faire un film. Il nous parle de la façon originale dont il a suivi l'édition 2024 et du choc, visuel et émotionnel, qu'a constitué sa (re)découverte du stade.
Grand amateur de tennis, Jean-Luc Godard avait longtemps couvé un ambitieux projet de film à Roland-Garros. Son idée, simple et originale, était de prendre un joueur au hasard du premier tour des qualifications, de le suivre jusqu'à sa défaite, de prendre le relais avec son vainqueur… et ainsi de suite, jusqu'à la finale.
Pour diverses raisons, le projet du réalisateur franco-suisse n'a jamais vu le jour. Mais son idée a été reprise par l'écrivain franco-canadien Laurent Sagalovitsch qui, avec son excellent Joue-la comme Godard, est devenu le premier auteur édité par Les Livres de la Promenade, une toute jeune maison d'édition fondée cette année à Nice.
Lui-même joueur de tennis plutôt prometteur dans sa jeunesse, au point d'avoir participé aux Championnats des Hauts-de-Seine à Roland-Garros, Laurent Sagalovitsch (57 ans) a redécouvert le stade lors de l'édition 2024, qu'il a couverte du premier au dernier jour. Armé d'une accréditation presse, il s'est laissé porter par son instinct, puis a laissé parler sa plume...
Quand vous êtes arrivé à Roland-Garros le premier jour des qualifications de l'édition 2024, comment avez-vous effectué le choix de votre premier joueur ?
J'ai commencé par me promener de court en court, à la recherche d'un déclic. Il fallait qu'il se passe quelque chose. Et puis, à un moment donné, je me suis retrouvé sur le court Suzanne-Lenglen devant un match d'un jeune joueur serbe, Hamad Medjedovic. J'ai cliqué tout de suite. Je ne sais pas trop pourquoi, en fait. C'est comme une rencontre amoureuse, il y a une part de mystère. Il dégageait quelque chose, un charisme particulier dans son jeu et dans son attitude. J'ai eu un coup de cœur.
Très bon choix sportif, puisque Medjedovic est sorti des qualifications. La contrepartie, c'est que vous avez dû le suivre pendant quatre matchs. Alors qu'au fond, ne souhaitiez-vous pas plutôt changer un maximum de fois ?
C'est vrai, mais j'ai échappé au pire : il aurait pu affronter le futur vainqueur, Carlos Alcaraz, dès le premier tour du tableau principal ! Si tel avait été le cas, j'aurais sans doute dû trouver un plan B. Finalement, j'ai pu suivre cinq joueurs : Hamad Medjedovic, qui a perdu au premier tour contre Flavio Cobolli, lui-même battu au deuxième tour contre Holger Rune, éliminé en huitièmes contre Alexander Zverev, finaliste contre Carlos Alcaraz. Cinq joueurs, ce n'est pas si mal.
Hamad Medjedovic, victorieux lors du troisième tour des qualifications de Roland-Garros 2024
On sent dans votre livre que vous avez passé beaucoup de temps au bord du court à observer tous ces joueurs, justement…
C'est l'avantage d'être sur place, notamment sur les annexes : on est presque sur le court, tout près des joueurs. On peut les observer dans le moindre détail : les regards, les mimiques, les échanges avec le clan… Je regardais le match à travers eux, presque en gros plan. À force, on en vient presque à se lier d'amitié.
Parmi ces joueurs, lesquels vous ont le plus touché ?
Je me suis surtout pris d'affection pour les deux premiers. Medjedovic, au bout de quatre matchs, je le connaissais bien ! Et quand il s'est fait sortir, cela m'a fait de la peine. Mais j'ai beaucoup aimé son vainqueur. Le match de Cobolli contre Rune, pour moi, c'était le plus beau match du tournoi au niveau dramaturgie. Un cinquième set vraiment sublime, dans une atmosphère magique.
Je me suis complètement plongé dedans. J'étais à fond du côté de Cobolli, qui a fini par perdre après avoir mené 6-1 au super tie-break. C'est là qu'on se rend compte à quel point, au tennis, on passe en un rien de temps de la victoire à la défaite, de l'ombre à la lumière. La gloire est là, on la touche du doigt. Et soudain, tout s'écroule…. Cela fait réfléchir.
Quelle impression avez-vous eue en pénétrant dans le stade de Roland-Garros ?
Je n'étais plus revenu depuis 1980, l'année du fameux match entre Caujolle et Connors. Quel choc ! Le stade est tout simplement magnifique. Le court Philippe-Chatrier, notamment, est vraiment une œuvre d'art. Un monument que l'on pourrait visiter comme la Tour Eiffel ou le Louvre. Chaque détail de son architecture a été soupesé. Il dégage une solennité fascinante, à tel point qu'il en est presque intimidant. À chaque fois, c'était un choc visuel intense, qui s'est perpétué pendant tout le tournoi, sans jamais me lasser. J'ai vraiment été bluffé. Et ému.
Le stade, dans son ensemble, est d'une beauté et d'une majesté extraordinaires. Et puis, quand on est à Roland-Garros, il y a cette sensation que l'on est un peu hors du temps. Le monde peut s'écrouler, on est protégé. C'est une expérience assez étrange. Quand tout est fini, le retour à la réalité peut s'avérer compliqué.
Pour revenir à votre livre, quels sont les écueils que vous avez dû éviter ?
Il ne fallait pas que je reste trop dans la pure description du match. À chaque fois, je devais trouver un angle, un ton et des à-côtés pour que l'on ne s'ennuie pas. C'était stimulant intellectuellement, mais pas toujours facile.
C'est l'essence du tennis : il y a un match, mais il y surtout une histoire autour du match…
Oui, et c'est ce qui rend le tennis passionnant. C'est un sport de répétition, avec beaucoup de temps morts mais même quand le match est monotone, on arrive toujours à être captivé par quelque chose. Les spectateurs, les ramasseurs, les discussions avec l'arbitre... Il y a plein de petites histoires dans l'histoire du match. Et puis, le rapport au temps est différent. Il y a des moments où l'on n'est plus là, puis on revient d'un coup. Et à la fin, on sort de là un peu sonné. Vivre un match de tennis à Roland-Garros, c'est vraiment une expérience intense.