Décryptage : Djokovic, une masterclass en quatre temps

Le Serbe a renversé Alexander Zverev au terme d'un match tactique parfaitement maîtrisé.

 - Hugo Rondet

Il ne cessera jamais de subjuguer son monde. Opposé à Alexander Zverev ce mercredi soir en quarts de finale, Novak Djokovic a livré un match digne de son statut de recordman de titres en Grand Chelem. Vainqueur en quatre manches (4/6, 6/3, 6/2, 6/4), le n°6 mondial s'est qualifié pour sa 13e demi-finale Porte d'Auteuil au terme d'une rencontre totalement maîtrisée.

Premier set : Zverev impose le combat physique

S'il a bouclé la partie avec un sourire étincelant, l'affaire était pourtant mal engagée. A 38 ans, Djokovic - certes impressionnant depuis le début du tournoi - n'est peut-être plus le monstre physique qui a dominé le circuit ces dernières années. Ce mercredi, celui qui n'avait plus croisé la route d'un membre du top 10 depuis sa confrontation avec Zverev à Melbourne a été surpris par le niveau d'intensité imprimé d'entrée par l'Allemand.

Conscient de supériorité physique, ce dernier n'a pas eu besoin de jouer contre-nature. Proche de sa ligne, il a installé le combat dans sa diagonale favorite, en revers.

Les deux pieds sur sa ligne, Zverev distribue le jeu et force le Serbe à reculer. Ce dernier perd du terrain et laisse le court ouvert à son rival, qui parvient à conclure long de ligne.

À la peine pour faire avancer la balle dans les conditions quelque peu ralenties de la session de soirée, le triple vainqueur Porte d'Auteuil a souffert pour s'extirper du piège. Durant la première manche, il a tenté de rester dans le combat. En vain.

Sur cet échange long de 29 frappes, Djokovic ne parvient toujours pas à quitter la diagonale revers. Il tente un slice, mais son geste, manqué, débouche sur une faute.

Autre aspect central de la manche inaugurale : la qualité du service du troisième joueur mondial. Baromètre de son jeu, son engagement l'a porté tout au long du set. Avec 94% de points gagnés derrière sa première (17 points sur 18) et une vitesse moyenne de 205 km/h, le finaliste de l'édition 2024 n'a pas laissé à son adversaire l'opportunité de se régler.

Impérial derrière sa mise en jeu, l'Allemand s'adjuge la première manche sur un ace. Djoko se retrouve très loin de la balle.

Deuxième set : Djoko trouve la faille

En scrutant ses moindres faits et gestes sur le court depuis plus de 15 ans, les observateurs ont appris à connaître le "Djoker". Monstre de tactique et d'expérience, il sait s'adapter à toutes les situations. Conscient qu'il ne pourrait pas "matcher" avec son adversaire du soir, de dix ans son cadet, il a rapidement rectifié le tir grâce à son arme fétiche : la variation.

Services-volées pour surprendre l'Allemand, amorties parfaitement glissées pour le faire bouger... le Serbe a fait étalage de son arsenal technique pour inverser la tendance, à l'image de la balle de set.

En totale maîtrise de l'amortie, il a littéralement rendu fou son vis-à-vis en multipliant ce geste : 10 dans la deuxième manche et 35 (!) sur l'ensemble du match. De quoi dérégler le rythme et la mécanique de l'Allemand, dont le nombre de fautes directes a considérablement augmenté par rapport au premier set (13 contre 7).

Autre facteur non négligeable pour expliquer la forme retrouvée de Djokovic : la qualité de sa première balle. S'il a bouclé la manche inaugurale avec un pourcentage très loin de ses standards (51% de premier service), ce dernier était déjà remonté à 76% au terme du deuxième set. Le Serbe a repris confiance en son engagement lors d'un jeu pivot, à 3-1, alors qu'il luttait pour conserver un break fraîchement acquis. Grâce à quatre services gagnants, un ace et un excellent service-volée, il a résisté à la pression de Zverev pour sauver une balle de débreak avant de se détacher.

Embourbé dans un jeu de service disputé, la tête de série n°6 a trouvé son salut au filet. Sur ce point, il suit son service slicé extérieur parfaitement placé pour déporter Zverev avant de déposer une volée facile.

Troisième set : pluie d'amorties

Désormais sûr de sa tactique, le médaillé d'or aux derniers Jeux olympiques n'a pas relâché sa proie. Les amorties ont continué à pleuvoir sur un Zverev désemparé, contraint de multiplier les courses vers l'avant, lui qui préfère de loin le confort de sa ligne de fond de court aux voyages intrépides en direction du filet. Ce point parfaitement construit à l'entame du troisième set résume parfaitement le plan de jeu très clair du vainqueur du soir.

En plus de ses nouvelles dispositions offensives, "Djoko" a également eu recours au slice. Son but ? Casser encore davantage le rythme des échanges.

Contrairement au premier set où il acceptait le duel du fond du court, Djokovic a pris le parti de perturber son adversaire par la qualité de son slice. Surpris, Zverev lui offre une balle courte à exploiter...

La suite ? Une nouvelle amortie, sur laquelle l'Allemand arrive en retard.

De plus en plus en confiance, "Nole" s'est détendu au fil des minutes. Toujours animé par la volonté d'écourter les échanges, il s'est très souvent rué au filet pour punir la passivité allemande et empêcher son opposant de s'installer dans la cadence qu'il aime tant (8/10 au filet lors du troisième set, 27 montées au total).

Comme le tennis est souvent une affaire de dynamique, au moment précis où Djokovic a atteint son meilleur niveau dans la partie, celui de son vis-à-vis a semblé chuter. Sa baisse de régime au service (65% de points gagnés derrière la première) a été suivie d'une séquence très difficile en coup droit, son coup le plus fébrile lorsqu'il est sous pression.

Alors qu'il est parfaitement placé pour faire mal avec son coup droit juste après le service, le finaliste sortant manque totalement son geste et voit sa balle mourir dans le bas du filet.

Quatrième set : le récital final

Après la mise en route et la montée en puissance, le récital. Totalement serein, le "Djoker" a livré son meilleur set du match, peut-être même du tournoi, pour conclure ce quart de finale. Son plan de bataille n'a pas changé, il a simplement été exécuté à la perfection. Amortie puis lob, slice puis montée à contretemps... Zverev n'a plus jamais été maître des débats.

Le moral de l'Allemand a définitivement été sapé au bout d'un jeu crucial, alors que le tableau des scores affichait 3-2 en faveur de Djokovic. Menacé d'une balle de débreak, ce dernier s'est offert le plus beau point de la partie, véritable symbole de la rencontre.

Au terme du plus long échange de la rencontre (41 frappes), le champion olympique, qui a attendu la bonne balle, place une très belle amortie.

Atteint physiquement, son adversaire s'arrache tout de même pour la reprendre, mais Djokovic a le champ libre pour le passing.

Finalement vainqueur en quatre manches, Novak Djokovic a rappelé à tous ses rivaux qu'à 38 ans passés, il était toujours dans le game en Grand Chelem. S'il ne peut évidemment plus s'appuyer sur la même résistance physique qu'à sa grand époque, le Serbe présente une palette technique et une intelligence tactique qui font toujours de lui l'un des meilleurs joueurs du monde. Mais son QI tennis suffira-t-il pour détrôner l'invincible patron du circuit, Jannik Sinner, en demi-finales ? On a déjà hâte d'y être.