Flashback : Wawrinka, 10 ans déjà

"On en rigole ensemble"

Ces quatre sets resteront à jamais dans la légende, pour de multiples raisons : des 60 coups gagnants du Suisse à la standing ovation réservée au vaincu par le public du court Philippe-Chatrier, en passant par l’étonnant short à carreaux de Stan Wawrinka, tout a concouru à faire de ce match un événement à part.

Visiblement très ému, Novak Djokovic a été applaudi pendant trois minutes par des spectateurs acquis à sa cause. Dix ans plus tard, ce souvenir fait naître un sourire sur son visage. "On en rigole ensemble. Je lui dis souvent que s’il a si bien joué ce jour-là, c’est grâce à son short, confiait le Serbe à des journalistes le mois dernier à Madrid. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais après la finale, il s’était présenté en conférence de presse avec ce short. Depuis, je le déteste", poursuit-il, sur le ton de la plaisanterie.

Ce short arborait un motif à carreaux rouge, blanc et gris, et force est de reconnaître que ce choix vestimentaire avait beaucoup fait parler durant la quinzaine. Presque autant que l’excellent parcours du Suisse ! Certains observateurs n’avaient d'ailleurs pas hésité à le comparer à un pyjama. Mais, quoi que l'on en pense, il est depuis passé à la postérité, en intégrant le Tenniseum du stade Roland-Garros.

Vainqueur 4/6, 6/4, 6/3, 6/4, Wawrinka était arrivé avec ce fameux short soigneusement disposé sur la table devant lui pour l’ultime conférence de presse. "Je l'adore, mais apparemment, je suis bien le seul... Ça ne m'a pas empêché de gagner Roland-Garros avec", s’était-il exclamé.

Djokovic était alors en quête d'un premier sacre parisien : le seul tournoi du Grand Chelem qui lui échappait encore. Il s’était incliné lors des deux finales atteintes précédemment - à chaque fois contre Rafael Nadal (en 2012 et 2014). Au moment d’aborder cette édition 2015, il restait sur six défaites en autant de matchs face à l’Espagnol sur la terre battue parisienne. Mais après un succès face à Nadal en quarts de finale, beaucoup y avaient vu un signe du destin : les planètes étaient enfin alignées et le numéro 1 mondial allait enfin connaître un triomphe à la mesure de son talent.

Avant de défier Stan Wawrinka, Djokovic venait d'enchaîner 28 victoires consécutives. Quant au Suisse, il était en course pour un deuxième sacre dans un tournoi majeur, après l’Open d’Australie 2014. Amis, les deux finalistes s'entraînaient ensemble presque toutes les semaines. Avec 17 victoires en 20 matchs contre Wawrinka, Djokovic était cependant donné largement favori. C’était sans compter sur la forme éblouissante de Wawrinka depuis le début du tournoi. Tombeur de Roger Federer (n°2) en quarts de finale, il avait ensuite écarté sans ménagement Jo-Wilfried Tsonga, tête de série n°15, en demies.

"Ce match a frôlé la perfection"

À l’image du reste de la partie, la finale a débuté par un échange de 39 frappes. En remportant le point, Wawrinka a rapidement montré qu’il était prêt à répondre au défi de son infatigable adversaire. Le Suisse a concédé de justesse un premier set très disputé, avant de hausser son niveau de jeu de manière spectaculaire. Djokovic a alors dû faire face à une véritable pluie de revers parfaitement ajustés aux quatre coins du terrain. Wawrinka l'a lui-même avoué : il ne s’attendait pas à ce que les événements prennent cette tournure.

"J’en suis le premier surpris, mais je pense que j’ai fait un match incroyable aujourd’hui, a-t-il reconnu à l’issue de la rencontre. J’étais très nerveux, mais je ne me suis pas laissé déstabiliser par l’enjeu. J’ai toujours cherché le meilleur coup. Je suis vraiment très heureux d’avoir remporté ce trophée."

"Toujours" résonne encore comme le mot clé de cette rencontre. Wawrinka n’a jamais laissé le moindre répit à son adversaire, livrant au passage l’une des performances les plus accomplies jamais observées Porte d’Auteuil.

"Wow ! Juste : wow ! Je veux jouer comme lui !", avait sobrement commenté Serena Williams sur ses réseaux sociaux pendant le match. Dans une vidéo récemment publiée par Ultimate Tennis Showdown, Casper Ruud, double finaliste à Roland-Garros, a déclaré : "Ce match a frôlé la perfection. Je ne pense pas que Wawrinka aurait pu faire mieux. Tous ses coups étaient pratiquement inarrêtables".

Ce match marque la seule défaite de Djokovic dans un tournoi majeur en 2015. Un revers qui l'a notamment empêché de devenir le premier homme depuis Rod Laver (en 1969) à réaliser le Grand Chelem sur une année civile.

"Cette défaite m’a fait beaucoup de mal car, à l’époque, je n’avais toujours pas gagné Roland-Garros. Pourtant, j'avais déjà disputé je ne sais combien de finales ! Pour une fois, je n’allais pas y retrouver Rafa, je me disais que c’était vraiment la bonne. Mais Stan m’a pris le titre. Il a joué d’une façon incroyable", a-t-il encore expliqué récemment.

À 30 ans, Wawrinka est alors devenu le vainqueur le plus âgé du simple messieurs de Roland-Garros, depuis Andres Gomez en 1990. Un an plus tard, il ajoutait même un troisième titre en Majeur à son palmarès en reportant l’US Open après avoir battu... Djokovic en finale ! À 40 ans aujourd'hui, le Vaudois est encore présent sur le circuit et vient de disputer son 20e Roland-Garros.

"Beaucoup de gens le sous-estiment. Il a gagné une médaille d’or aux Jeux olympiques (en double à Pékin, en 2008, ndlr), trois titres du Grand Chelem et il peut se vanter d’avoir fait une très belle carrière, a encore poursuivi Djokovic. À 40 ans, après plusieurs opérations aux genoux, il continue de se battre, il est toujours là. Tous les matins, il est parmi les premiers à arriver au stade. Il s’entraîne de bonne heure, il fait tout ce qu’il faut pour réussir et il va souvent même bien au-delà. C’est vraiment impressionnant".

Cette année à Paris, Wawrinka portait une tenue rouge et blanche – une subtile référence à ses exploits de 2015. Sous les boutons de son polo, on pouvait même apercevoir une bande de tissu à carreaux. À n’en pas douter, le public parisien n’oubliera pas de sitôt ce motif... et l’homme qui l’a porté fièrement et victorieusement à Roland-Garros !