Demi-finales messieurs
Musetti - Alcaraz : naissance d'un classique sur terre ?

Opposé à Carlos Alcaraz ce vendredi en demi-finales, Lorenzo Musetti a confirmé durant la quinzaine parisienne les immenses progrès entrevus depuis le début de la saison sur terre battue.
Après un peu de moins de trois heures de combat, il s'est figé. Sourire aux lèvres, regard fier, biceps droit contracté : une fois le match scellé, c'est en montrant les muscles que Lorenzo Musetti a paraphé son succès face à Frances Tiafoe, décroché en quatre manches ce mardi. Cette célébration, l'Italien de 23 ans l'a adoptée comme sa nouvelle signature depuis le début de la saison sur terre battue.
Symbolisant sa confiance actuelle, ce geste traduit parfaitement la nouvelle réalité du Transalpin, entré dans le top 10 pour la première fois au début du mois de mai. Longtemps réputé comme un joueur fragile mentalement et au jeu cristallin, il a clairement passé un cap depuis deux mois.
Entre Carlos Alcaraz, Jannik Sinner et Novak Djokovic, il ferait presque figure d'invité surprise du dernier carré. Pourtant, Lorenzo Musetti s'est imposé comme le deuxième meilleur joueur du circuit depuis le retour des beaux jours et des matchs sur ocre. Finale à Monte-Carlo, dernier carré à Madrid et à Rome : le 7e joueur mondial va aborder sa demi-finale à Roland dans la forme de sa vie. Son jeu, lui n'a jamais semblé aussi au point.
Défenseur hors pair, il s'appuie depuis le début de la quinzaine sur ses forces principales : sa couverture de terrain et son intelligence de jeu. Car s'il est souvent comparé à Roger Federer en raison de son magnifique revers à une main, l'Italien est un joueur bien différent de son glorieux aîné. Moins offensif, il passe plus du temps à courir derrière la balle qu'à lui donner l'impulsion.
Lors de son quart de finale face à Tiafoe, Musetti a multiplié les points défensifs exceptionnels. Ici, alors que l'Américain semble en mesure de conclure facilement par un smash, il parvient à anticiper et reste du bon côté.
Sa remise surprend son rival, contraint de tenter une amortie. Ultra rapide, le Transalpin arrive à l'heure sur la balle et finit tranquillement. Un exemple de point parfaitement renversé.
Connu pour être l'un des joueurs les plus rapides du circuit, Musetti base son jeu sur sa capacité à toujours remettre une balle de plus que l'adversaire, même lorsque la situation semble désespérée.
Partie de très loin sur cette amortie jouée par "Big Foe", la tête de série n°8 s'arrache pour déposer une belle remise croisée. Sa glissade est parfaite.
Mais son adversaire ne se laisse pas avoir et a tout le court ouvert pour terminer le point. Presque au niveau du ramasseur de balles sur cette image arrêtée, Musetti n'abandonne pas...
Grâce à une nouvelle glissade parfaitement maîtrisée, il réussit un sauvetage invraisemblable, dos au filet. Son rival, qui pensait avoir fait le plus dur, rate sa dernière volée.
En effet, la grande force de celui qui découvrira le dernier carré Porte d'Auteuil ce vendredi réside dans sa capacité à provoquer des fautes directes de ses adversaires, y compris lorsque ces derniers sont très bien engagés dans le point. En huitièmes de finale, il avait déjà rendu fou Holger Rune par sa science défensive.
Sur ce point, Rune prend rapidement de vitesse son opposant par la puissance de son coup droit. Musetti est acculé.
Le médaillé de bronze aux Jeux de Paris met alors en place sa tactique défensive : une remise très haute et très longue qui vient mourir sur la ligne de fond de court. Cette chandelle, appelée "moonball" par les joueurs de tennis, lui permet de regagner du terrain et de faire reculer le Danois.
Après la défense, place à l'attaque. Musetti tente une amortie et renverse définitivement le point.
Surpris d'avoir perdu si rapidement le contrôle, son adversaire arrive à temps sur la balle mais il commet une faute en revers. Une masterclass de transition défense-attaque.
S'il est un défenseur exceptionnel, le futur adversaire de Carlos Alcaraz est également un joueur au talent fou. Ses aptitudes prennent une autre dimension sur les surfaces vivantes, dont la terre battue. Sensible aux effets, elle offre à Musetti la possibilité d'exprimer son potentiel au maximum contrairement au dur, où la puissance prédomine. Sur l'ocre, la variation prime. Et dans ce domaine, sa main exceptionnelle lui confère un avantage certain.
Comme la plupart des spécialistes de terre battue, le n°7 mondial a souvent recours à l'amortie. Cette arme lui permet de casser le rythme du point, comme ici face à Tiafoe, pris à défaut par le geste bien exécuté de son vis-à-vis.
Il en récolte les fruits dans la foulée, avec un passing facile à exécuter.
Au-delà de l'amortie, un coup qu'il a souvent tenté durant sa quinzaine parisienne (23 fois contre Navone, 14 face à Rune et 16 face à Tiafoe), le finaliste du dernier Masters 1000 de Monte-Carlo brille surtout par sa capacité à utiliser toutes les spécificités de la terre battue, notamment la variation des rebonds. Sa force ? Ne jamais offrir deux fois la même balle à ses adversaires, les poussant constamment à modifier leur plan de frappe.
Engagé dans un troisième set très disputé face à Tiafoe, Musetti - qui révélera après la partie avoir ressenti énormément de stress lors de cette manche pivot - trouve son salut dans la qualité de ses changements de rythme. Il commence par un slice de revers très court pour attirer son vis-à-vis vers l'avant.
Deuxième étape : un revers très bombé lui permettant, cette fois, de faire reculer Tiafoe tout en le neutralisant.
L'Américain, gêné par les variations adverses, ne parvient pas à trouver la bonne balle pour attaquer. Sa dernière amortie est mal exécutée et permet à Musetti de conclure facilement.
Autre avantage considérable offert par la terre battue : elle constitue un bouclier efficace pour protéger l'artiste transalpin sur son revers. Ce n'est un secret pour personne, le revers à une main, dont Musetti est l'un des rares représentants au sein du top 50, est en voie de disparition au très haut niveau. Ce coup, particulièrement difficile à exécuter en raison du timing irréprochable nécessaire pour le frapper, n'offre pas suffisamment de régularité et de solidité comparé à la prise à deux mains.
Mais sur l'ocre, tout est plus lent. Si ses adversaires ne se privent pas de le harceler côté revers sur les surfaces plus rapides, comme le dur, la terre battue lui offre le temps nécessaire pour réaliser son coup dans de bonnes conditions.
Ici face à Rune, il se donne du temps au retour. Il décroche loin derrière sa ligne de fond de court, ce qui lui offre le loisir de parfaitement armer son revers à une main. Rune suit son service au filet, mais subit un magnifique retour gagnant long de ligne.
Alors qu'il disposait déjà d'une base très complète pour évoluer sur terre, le prince de l'ocre a encore passé un cap ces dernières semaines. En 2025, le nouveau Musetti est un joueur beaucoup plus agressif, qui se force à prendre des risques et aller vers l'avant. Alors qu'il s'est longtemps contenté de rester loin de sa ligne, dans sa zone de confort, le droitier de 23 ans a identifié les lacunes qui le séparaient du top 10. Il pris conscience de la nécessité d'être plus offensif pour enfoncer la porte de ce cercle fermé.
Alors qu'il aime prendre son temps pour bâtir les points, l'Italien force parfois sa nature depuis le début de la quinzaine. Ici, face à Tiafoe, il est tranchant dès son premier coup de raquette. Son retour, très profond, lui permet de prendre rapidement le contrôle.
Après avoir fait une première différence au retour, il en profite pour tourner autour de son revers et boucler le point en deux frappes. Une attitude bien plus agressive que ses standards habituels.
Autre schéma de plus en plus utilisé par Musetti : la montée à contretemps. Ici, dès le deuxième coup de raquette, il tente sa chance long de ligne...
... plutôt que d'attendre en fond de court, il décide de surprendre Tiafoe en se ruant au filet pour conclure le point plus rapidement.
S'il n'est pas parfaitement placé et que sa volée n'est pas la plus académique, le 7e joueur mondial est tout de même récompensé de son initiative.
La nouvelle réalité offensive du Toscan se traduit dans les chiffres : il a avoisiné les 40 coups gagnants lors de ses trois derniers matchs (43 face à Navone, 39 contre Rune, 45 contre Tiafoe). Mais face à Carlos Alcaraz, le nouveau Musetti va passer au révélateur suprême, celui du tenant du titre, son bourreau à Monte-Carlo et à Rome. Alors, le petit prince de la terre est-il prêt à prendre la place du roi ? Réponse ce vendredi après-midi.