Décryptage : Fils, les secrets d'un premier succès

"La pression est un privilège." Lors de son passage en conférence de presse vendredi à l'occasion du Media Day, Arthur Fils semblait accueillir avec calme les attentes et les espoirs placés en lui par les suiveurs du tennis français. Et c'est peu dire que ces derniers étaient grands. En constante progression depuis plus d'un an, l'Essonnien gravit les échelons à la vitesse grand V : titres en ATP 500, entrée dans le top 15, quarts de finale à répétition en Masters 1000... La nouvelle coqueluche du tennis bleu devait désormais corriger une anomalie et remporter une première victoire dans "son" Grand Chelem, le seul où il n'avait encore jamais connu la joie d'un succès.

Battu en quatre manches par sa bête noire Matteo Arnaldi au premier tour en 2024, Fils était sorti frustré du court Simonne-Mathieu, déçu de ne pas avoir fait mieux que face à Alejandro Davidovich Fokina en 2023. "Si je regarde ce match contre Arnaldi, je constate qu'Arthur rate toujours les mêmes balles qu'il ratait l'année dernière. Là, il reste un cap à franchir", analysait auprès de L'Équipe Ivan Ljubicic, directeur du haut niveau à la FFT, à l'issue de la rencontre. Ce cap, le jeune Français semble bien l'avoir franchi un an plus tard.

Un service plus fiable

Premier élément d'évolution depuis la désillusion de mai 2024, la mise en jeu d'Arthur Fils. Irrégulier derrière son engagement, le natif de Bondoufle monte clairement en puissance depuis plusieurs mois dans ce secteur de jeu.

Jamais breaké durant l'ensemble de son match face à Jarry ce lundi, le protégé d'Ivan Cinkus a livré une prestation solide au service : 8 aces, 66% de premiers services, 76% de points gagnés derrière la première et 67% derrière la seconde.

À titre de comparaison, face à Arnaldi, ses statistiques étaient les suivantes : 7 aces, 64% de premiers services, 56% de points gagnés derrière la première et 42% derrière la seconde.

Monstre de puissance, le 14e mondial n'a pas seulement servi en force, il a agrémenté ses mises en jeu d'effets slicés ou kickés.

Une stratégie bien définie au retour

Mais Fils ne s'est pas contenté de bien servir. Pour décramponner le Chilien, ex-16e mondial retombé au 149e rang, le chouchou du Suzanne-Lenglen a également démontré l'ampleur de ses progrès au retour.

Pressé par les services maousses de l'imposant Jarry (2,01m), l'homme aux trois titres ATP a répondu présent, se créant un nombre impressionnant d'occasions : 16 balles de break en tout ! S'il n'en a converti "que" trois, le Tricolore s'est tenu tout le long de la partie à une stratégie définie en amont.

Habitué à retourner près de sa ligne de fond de court, Fils a décidé de se placer légèrement derrière, en position intermédiaire, pour s'offrir du temps à la relance tout en se laissant la possibilité de faire mal dès le premier coup de raquette.

Patience et contrôle, la recette gagnante

Dans l'échange, le Francilien a prouvé qu'il était sur la bonne voie pour combler ses lacunes : la régularité et le contrôle à la frappe, deux points ciblés par Cinkus courant mars, au début de la collaboration exclusive entre les deux hommes.

"Contre Giron, par exemple, alors qu'il était en train de le détruire, il s'est mis à trop en vouloir, à se précipiter. Parfois, il a besoin de redescendre un peu", avait analysé - toujours dans L'Équipe - le technicien croate à l'issue d'un huitième de finale remporté à Indian Wells face à l'Américain.

Face à Jarry - exception faite du jeu décisif du troisième set au cours duquel Fils, sans doute rattrapé par l'enjeu, a eu tendance à se précipiter - il a, dans l'ensemble, parfaitement construit ses points.

Sans se précipiter, la tête de série n°14 a eu l'intelligence de laisser Jarry se ruer vers l'avant. Réputé pour ses qualités physiques, l'espoir de 20 ans a réalisé plusieurs points défensifs exceptionnels, s'en sortant soit par des passings bien sentis, soit en poussant son rival à la faute directe (50 au total pour le Chilien).

Enfin débarrassé du poids d'une première victoire à "Roland", Arthur Fils défiera Jaume Munar au deuxième tour ce mercredi. Avec l'espoir de poursuivre sur sa lancée, et de définitivement confirmer ses progrès.