C’est l’air un peu timide, presque à reculons, qu’August Holmgren s’est avancé en conférence de presse jeudi dernier, devant une poignée de journalistes. Quelque peu mal à l’aise avec l’exercice, il s’est recroquevillé sur sa chaise, les mains cachées sous les cuisses, laissant presque penser qu’il allait chercher ses mots. Pourtant, après quelques minutes, c’est bien dans un anglais impeccable qu’il s’est exprimé, le temps peut-être de réaliser ce qu’il était en train de vivre. Une fois lancé – sourire sincère aux lèvres et bouclettes blondes en mouvement à chaque geste de la tête –, l’appréhension et le côté timoré ont laissé place à un jeune homme plein de gaité et de joie de vivre. Le reflet parfait de ce qu’il incarne sur le court.
Wimbledon 2025 : Holmgren, l’éclosion tardive d’un talent brut
À 27 ans, August Holmgren fait partie des joueurs qui ont fait sensation lors de cette première semaine de compétition.

Un parcours déjà mémorable
Si l’on parle de lui aujourd’hui, c’est parce que le Danois fait partie des deux qualifiés encore présents dans le tableau masculin, aux côtés de Nicolas Jarry (qualifié hier pour les huitièmes aux dépens du prodige Joao Fonseca). Lorsqu’on lui demande ce qu’il fait là, c’est avec calme et philosophie qu’il répond : "La marge est toujours très fine en tennis et les meilleurs joueurs du monde sont à ce niveau parce qu’ils parviennent à la conserver toute l’année. Moi, j’ai su le faire pendant deux semaines ! Alors j’imagine que c’est pour ça que je suis là !"
Et quel niveau ! Passé par la case Roehampton, celui qui pointait au 192e rang mondial avant le tournoi l’a presque toujours emporté au bout de l’effort. Lors de son entrée en lice contre le Français Quentin Halys (7/6(4), 6/3, 6/4), il a décroché son tout premier succès sur le circuit principal. Au deuxième tour, face à Tomas Machac (7/6(5), 6/7(8), 6/7(5), 7/5, 7/6(5)), il a marqué les esprits en sauvant trois balles de match - tout comme à l'occasion de son dernier match de qualification contre Yosuke Watanuki. Et lorsqu’on lui rappelle ce bon souvenir, il ouvre grand les yeux : "J’ai sauvé des balles de match dans le quatrième ? Mon dieu !" Et après avoir fait rire l’assemblée, il se souvient : "Oh mais oui, maintenant je m’en rappelle ! Sur le moment, je savais qu’il s’agissait de balles de match. D’ailleurs, je pensais avoir complètement manqué mon retour en revers et je croyais que c’était fini. Je m’apprêtais à m’avancer vers le filet pour dire ‘merci, au revoir !’ et finalement, la balle a parfaitement atterri dans le coin du court !"
Une anecdote de plus qui atteste de la singularité du personnage. Acclamé à l’issue de la rencontre par de nombreux supporters – parés de drapeaux rouge et blanc et de maillots de football de l’équipe nationale – présents à ses côtés depuis les matchs de qualifications, il s’est effondré en pleurs dans les bras de ses parents. Beaucoup de joie et d’émotion pour le joueur de 27 ans, qui a intégré la cour des grands de manière remarquable.
L’équilibre parfait entre tennis et théâtre
S’il est particulièrement éloquent au moment de détailler ses points, certaines situations ou encore pour exprimer sa surprise, c’est sans doute grâce à ses années d’études passées entre les courts et la scène. Entre 2017 et 2022, il a étudié le théâtre et les arts appliqués à l’Université de San Diego, aux États-Unis. Athlète aux multiples casquettes, il avoue avoir besoin de passe-temps à côté du tennis pour trouver la bonne harmonie dans sa vie. "Grâce à ces années passées à faire les deux, j’ai compris l’importance de conserver un bon équilibre. Il faut que je sois heureux en dehors pour pouvoir l’être sur le court. Parfois, quand j’ai des soucis dans ma vie privée, ça se ressent sur mon tennis. Si je ne pratique pas d’autres activités, que je ne profite pas de mes autres passe-temps, ça a un impact négatif sur moi." Aujourd’hui, il ne pratique plus beaucoup le théâtre par manque de temps, mais il a conscience que les représentations l’ont aidé à "être dans le moment présent, à me challenger aussi et me sortir de situations inconfortables."
Autre détail – plus technique cette fois – qui le rend singulier : la précision de son revers à une main. "Je l’ai depuis que j’ai six ans, a-t-il expliqué en conférence de presse. Un jour, j’ai eu un coach qui a essayé de le changer, mais j’ai refusé alors il m’a mis de côté et il m’a dit : ‘ok, tu peux frapper dans le vide maintenant si tu veux’. Il ne m’a pas laissé toucher la moindre balle. Ça a duré un peu plus d’une semaine. Mais ensuite, je suis toujours resté avec mon revers à une main."
Une arme redoutable dont il aura sans doute grandement besoin contre Alex De Minaur (n°11), qu’il affronte ce samedi. Le Danois tentera de remporter un troisième match de suite sur le circuit et de viser la deuxième semaine contre le quart-de-finaliste de l’an passé. Un choc prometteur entre un joueur très expérimenté et un novice qui s’annonce immanquable.