Madison Keys, un nouveau statut assumé

Désormais habituée à son nouveau statut de joueuse sacrée en Grand Chelem, Madison Keys juge la quinzaine parisienne comme une "immense opportunité".

Madison Keys / Demi-finales Open d'Australie 2025©Corinne Dubreuil / FFT
 - Reem Abulleil

En atteignant la trentaine, dont la moitié passée sur le circuit professionnel, Madison Keys pensait avoir laissé derrière elle le temps des premières fois. Passée pro à 14 ans, l'Américaine a remporté son premier match dans le tableau principal d’un Grand Chelem à 16, s’est offert son premier titre sur le circuit à 19, a atteint sa première finale de WTA 1000 à 21 et a disputé sa première finale de Grand Chelem à 22. Alors elle ne se voyait pas forcément décrocher son premier titre majeur à quelques semaines de ses 30 printemps.

C'est pourtant ce qu'elle a fait en s'adjugeant l’Open d’Australie après un parcours de rêve à Melbourne. Pour la première fois de sa carrière, elle abordera donc Roland-Garros avec l'étiquette de championne en Grand Chelem. Un statut auquel elle estime s'être enfin adaptée quatre mois plus tard.

"Ce qui m'a le plus surprise, c'est que j'ai mis un certain temps à me sentir de nouveau à l’aise, confiait-elle en marge du tournoi de Madrid au début du mois. L'autre jour, je me disais que ça faisait longtemps que je n'avais pas vécu de première fois et que ça faisait très longtemps que je n'avais pas abordé un tournoi en sentant que quelque chose avait changé."

"Il a donc fallu que je m’habitue. A Indian Wells, à Miami et à Charleston, je me suis sentie un peu hésitante. Je forçais un peu plus et je me mettais plus de pression. Il m’a fallu un moment pour m’y faire et retrouver mon équilibre. Je pense y être arrivée maintenant."

Pour Madison, il s'agit désormais de "rester pleinement dans le présent" et de "se concentrer sur chaque match".

Une pause pour se recentrer

Keys est depuis longtemps considérée comme une joueuse dangereuse sur le circuit, habituée aux beaux parcours en Grand Chelem. A l'adolescence, elle avait fait l’objet d’un gros engouement, relancé lors de son accession à la finale de l’US Open 2017. Mais ces dernières années, elle a en quelque sorte évolué sous les radars.

Son triomphe australien en début de saison, obtenu grâce à des victoires contre des clientes telles qu'Aryna Sabalenka, Iga Swiatek et Elena Rybakina, lui a valu une attention médiatique inédite. Consciente qu'il lui fallait prendre du recul pour gérer cette exposition, elle a décidé de faire l’impasse sur la tournée de février au Moyen-Orient, pour mieux reprendre la compétition en mars.

"Ce que je retiens, c'est que cette victoire à l’Open d’Australie a été la plus belle chose que j’aie accomplie dans ma carrière, mais aussi la plus épuisante", confie-t-elle à rolandgarros.com.

"On ne se rend pas compte à quel point la charge émotionnelle est forte. Ça a été énorme. Quand je suis rentrée chez moi, j'ai eu beaucoup de sollicitations par les médias et autres. Je n'ai enfin pu me poser qu'une semaine plus tard. Et là, je me suis dit : 'Mais je suis épuisée, en fait !'. Du coup, j'ai décidé de prendre du temps pour moi. Je savais qu’à ce stade de ma carrière et de ma vie, ce qui comptait pour moi, c’était de faire ce dont j’avais envie."

Madison Keys / Championne de l'Open d'Australie 2025©Corinne Dubreuil / FFT

Madison Keys lors de la cérémonie de remise des trophées à Melbourne

"Ce coup de projecteur est intervenu alors que j'étais dans l’ombre depuis un certain temps, à faire mon truc. Tout d'un coup, tout le monde voulait de nouveau me parler ! Ça a été un gros changement, très rapide."

Irait-elle jusqu'à dire que cette discrétion lui manque ? "C’est marrant. J’ai vraiment l’impression d’être revenue dix ans en arrière, confie-t-elle. Je m'étais vraiment bien habituée à sortir du court après mes matchs en mode : 'Pas d'interviews ? Cool, ciao'. Il faut que je m’y fasse à nouveau. Ça m'irait parfaitement de vivre dans l’ombre toute ma vie mais forcément, quand ça se passe bien, on attire la lumière sur soi, donc ce ne sont que des bonnes choses."

Keys débarque à Paris en tant que n°7 mondiale et avec un bilan de 5 victoires pour 3 défaites sur terre battue cette saison. Son meilleur résultat à Roland-Garros remonte à sa demi-finale contre Sloane Stephens en 2018 et elle a également glané deux titres sur ocre au cours de sa carrière.

Madison Keys Sloane Stephens / Demi-finales Roland-Garros 2018©Julien Crosnier / FFT

Madison Keys après sa défaite face à Sloane Stephens lors de l'édition 2018 de Roland-Garros

La terre, sa meilleure amie ?

Si nombre d'observateurs associent son jeu puissant aux surfaces dures, son mari et entraîneur Bjorn Fratangelo – ancien vainqueur de Roland-Garros juniors – est convaincu que l'ocre lui convient parfaitement.

"Je pense vraiment que c’est sa meilleure surface, a-t-il indiqué à rolandgarros.com dans la capitale espagnole. Je trouve que ça lui donne un peu plus de temps pour installer son coup droit. Elle a un geste ample qui nécessite un peu plus de temps et je pense que cette surface lui offre une seconde supplémentaire pour bien placer ses appuis. Sa balle va très vite, donc même dans des conditions lentes, elle arrive à frapper fort. Elle va réussir à en mettre encore plus, surtout avec sa nouvelle raquette."

En parlant de cette "nouvelle raquette", Fratangelo fait référence au changement d’équipementier de Keys. Un choix qui a porté ses fruits immédiatement et que la joueuse expérimentera pour la première fois à Roland-Garros.

Bjorn Fratangelo et Dominic Thiem, finale garçons Roland-Garros 2011©Christophe Saïdi / FFT

Fratangelo avait dominé Dominic Thiem lors de la finale garçons de Roland-Garros 2011

L'intéressée pense-t-elle, comme son coach, que la terre devrait être sa meilleure surface ? "C'est clair que la terre peut m’aider dans beaucoup d’aspects de mon jeu, approuve-t-elle. Le plus important, c’est d’y croire et de me convaincre qu'il a raison en disant ça. Mais oui, je me sens plutôt à l’aise dans mes déplacements et cette surface me donne ce petit temps supplémentaire dans la préparation de mon coup droit. Donc je pense qu’il n’a pas tort."

Il s’agira de la treizième participation de Keys au tableau principal du tournoi parisien. Elle qui est allée en deuxième semaine à quatre reprises Porte d'Auteuil estime que c'est "une immense opportunité" qui s'offre à elle sur la quinzaine. Mais la priorité reste de prendre du plaisir sur le court, sans se soucier de la pression, du classement ou même du résultat.

"Je n’ai jamais aimé avoir un objectif de classement. J'ai beaucoup de mal à ne pas faire une fixette sur le résultat quand je me donne ce genre d'ambition, explique-t-elle. Le fait d'atteindre le meilleur classement de ma carrière (n°5 mondiale à Madrid, ndlr) est déjà un bonus pour moi. Je ne me voyais pas du tout là à ce stade de ma vie. Donc, je me laisse porter."

"Aujourd’hui, j’essaie de profiter au maximum sur le court, d'être dans l'instant présent et de continuer à produire un très bon tennis, alors que tout le monde me qualifie d'ancienne", rigole-t-elle.